« Si un individu s’expose avec sincérité, tout le monde, plus ou moins, se trouve mis en jeu. Impossible de faire la lumière sur sa vie sans éclairer, ici ou là, celles des autres »
Simone de Beauvoir – La force de l’âge
« L’information est le seul bien qu’on puisse donner à quelqu’un sans s'en déposséder. »
Thomas Jefferson,
l’un des rédacteurs de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis,

De l'esprit des lois (1748)

Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.
Charles de Secondat, baron de Montesquieu

28 octobre 2009

4/ Carole Roussopoulos, documentariste – Le Monde – 28 ocobre 2009

> LE MONDE | 28.10.09 | 16h17 • Mis à jour le 28.10.09 | 16h18

Auteure de plus de 120 films documentaires, Carole Roussopoulos est morte, le 22 octobre dans le Valais (Suisse), d'un cancer, à l'âge de 64 ans. Née Carole de Kalbermatten le 25 mai 1945 à Lausanne, elle s'est installée à Paris en 1967. Elle travaille d'abord pour le magazine Vogue. Licenciée, elle achète avec ses indemnités l'une des premières caméras vidéo portables vendues en France. Avec son compagnon Paul Roussopoulos, physicien et peintre réfugié de la Grèce des colonels, elle fonde, en 1971, le collectif de vidéo militante, Vidéo Out.

Ses premières images sont consacrées aux Palestiniens bombardés sur ordre du roi Hussein de Jordanie lors de Septembre noir, qu'elle est allée filmer avec l'écrivain Jean Genet et le représentant de l'OLP à Paris, Mahmoud El-Hamchari. Puis, dans le courant de la contestation culturelle issu de Mai 68, elle accompagne les luttes des opprimé(e)s et des exclu(e)s : luttes ouvrières (Flins, Lip), anti-impérialistes (Black Panthers, mouvements de libération), homosexuelles et féministes.

Elle est aux côtés des pionnières du MLF, combat caméra au poing en faveur de l'avortement et de la contraception libre et gratuite (Y'a qu'à pas baiser), recueille le témoignage de femmes violées, soutient la mobilisation des prostituées de Lyon en 1975, les insurgées de Chypre et de l'Espagne franquiste ou du Mali. Les titres de ses films sont éloquents : L'Inceste, la conspiration des oreilles bouchées (1988), Viol conjugal, viol à domicile (2003), Femmes mutilées, plus jamais (2008)...

"Casser les clichés"

SCUM Manifesto (1976) donne écho au livre de Valérie Solanas, intellectuelle féministe américaine qui avait été violée par son père. La militante communiste des droits de l'homme Angela Davies lui inspire l'un de ses premiers films. Auteure de portraits de l'historienne du cinéma allemande Lotte Eisner, de Ruth Fayon Simone de Beauvoir, de l'actrice Delphine Seyrig (avec laquelle elle avait fondé, en 1982, le Centre audiovisuel Simone-de-Beauvoir), Carole Roussopoulos conjuguait énergie et dialogue, détermination et goût de la fête. (survivante d'Auschwitz), de l'écrivaine

En complicité avec ses amies Delphine Seyrig, Iona Wieder et Nadja Ringart (coauteur avec elle de Maso et Miso vont en bateau, 1976), elle avait inventé le terme d'"insoumuses". Avant la création du collectif de distribution Mon Œil, en 1975, elle diffusait ses bandes-vidéo sur les marchés avec la chanteuse Brigitte Fontaine et l'accordéoniste Julie Dassin. Grande, souriante, dotée d'une crinière à mèches blanches, elle avait la volonté de "faire comprendre que c'est un grand bonheur et une grande rigolade de se battre ! Nous avons toutes à gagner de lever la tête, tout le monde, tous les opprimés de la terre".

Ce qui l'intéressait, c'était le quotidien, la parole qui se libère, sans contrôle des médias, sans experts. Elle était persuadée que "l'image appartient aux personnes filmées, et non à ceux qui filment". Entre 1986 et 1994, elle avait dirigé et animé le cinéma d'art et d'essai L'Entrepôt, dans le 14e arrondissement de Paris, créé par Frédéric Mitterrand. Revenue en Suisse en 1995, elle n'avait jamais cessé ses interventions féministes ou sociales. Elle avait le souci que le féminisme ne devienne pas un enjeu d'anciennes combattantes "en chaise roulante", tenait à militer avec des jeunes et des hommes...

"Le rôle des images dans la transmission est décisif, elles permettent de casser les clichés", expliquait-elle à propos de son long métrage Debout ! Une histoire du Mouvement de libération des femmes (1970-1980). Inlassable, elle s'était engagée dans l'association Archives du féminisme. Honorée ces dernières années dans les festivals de La Rochelle, Nyon, Trieste, à la Tate Modern de Londres, en Turquie et au Québec, elle avait reçu en 2004 l'hommage de la Cinémathèque française.

Jean-Luc Douin

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Autres billets sur Carole Roussopoulos et sur La conspirations des oreilles bouchées

1/ La conspiration des oreilles bouchées – inceste 1988
2/ L'Inceste la conspiration des oreilles bouchées – CASB

3/ Hommage à Carole Roussopoulos

5/ Hommage à la documentariste Carole Roussopoulos aux 12e Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM)
6/ Soirée d'hommage à Carole Roussopoulos – 22 janvier 2010

7/ 3 juin 2010 – Gaillac : film et débat sur l’inceste après le film : La conspiration des oreilles bouchées

8/ Le beau vice : Carole Roussopoulos, la vidéo "out" par Elisabeth Lebovici

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