« Si un individu s’expose avec sincérité, tout le monde, plus ou moins, se trouve mis en jeu. Impossible de faire la lumière sur sa vie sans éclairer, ici ou là, celles des autres »
Simone de Beauvoir – La force de l’âge
« L’information est le seul bien qu’on puisse donner à quelqu’un sans s'en déposséder. »
Thomas Jefferson,
l’un des rédacteurs de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis,

De l'esprit des lois (1748)

Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.
Charles de Secondat, baron de Montesquieu

31 août 2009

Courage : Emission "Médiations" – Interdits ordinaires

Emission "Médiations"

Un mot revenait sur toutes les lèvres : courage. Impression lointaine pour Camille… mauvais terme plutôt sens du devoir alors qu’elle restait convaincue du silence de sa famille parce que l’armée, la « grande muette », avait appris à son père que pour demeurer inconnu, il était préférable de rester dans l’anonymat sans se manifester, justement celui qui protège et permet aussi toutes les exactions. En prenant la parole, elle ne savait pas comment faire pour éviter de dire le contraire de ce qu’elle avait en elle ? Elle était très tentée par une abstention parce que le mieux, était encore de se taire. Au moins, quand elle se taisait, elle ne disait pas le contraire de ce qu’elle pensait. Elle luttait contre ses quinze ans durant lesquels se taire était la meilleure façon qui lui avait été donnée de s’exprimer. Que risquait-elle ? Le danger lui paraissait plutôt moral. Avait-elle le droit de dire l’indicible, l’insupportable de médiocrité ? Camille avait l’avantage d’avoir été élevée dans une famille, juste assez cultivée pour comprendre de quoi il retournait, et assez peu influente pour avoir des intérêts à défendre. D’aucuns, dans sa famille n’avaient nié les faits et les implications. Le silence servait de refuge à chacun. Impensable de traiter publiquement Camille de folle qui risquait moins que les autres. À ce point de son engagement, elle ne pouvait plus rester dans cette sorte d’omertà qui servait les violeurs et donner des leçons de probité à la terre entière. Tout en gardant l’humilité pour seul orgueil, elle allait mouiller sa chemise. À ce moment-là, elle avait un sentiment d’assentiment. Son devoir restait de se dépêtrer avec les faiblesses et les vengeances dans le respect des âmes de tout un chacun.
…/…

Il était vingt-deux heures trente et une larme trop tard pour Georg. Lorsque Camille apparut à l’écran, il ronflait en s’affalant sur la moquette.

Camille put lancer un regard triste à Jean resté attentif et ne dirait rien concernant l’émission. Sûrement que ça n’avait aucune gravité, mais elle perdait courage et la notion de ce qui était important ou non. C’était son petit problème de rien du tout. Plus qu’une déception, si fait qu’elle restait là, assise, bien droite. L’attitude de Georg marquait son refus d’écouter, comme un jugement de non-lieu. Ne rien dire… ne rien laisser paraître, garder son cri, comme une note qui corne, cette note coincée pour les organistes, cette note intemporelle, inachevée. Sa prise de parole restait plutôt insignifiante, trop inconvenante pour qu’il l’écoute. Alors qu’elle lui avait lancé, à travers l’émission, toutes sortes de perches afin de lui dire qu’elle gardait tout espoir à travers lui et c’était justement ce qu’il ne voulait pas entendre. Camille, elle, comprenait que la fille que Georg connaissait n’existait plus.

Le lendemain de l’émission, elle avait endossé le rôle de la victime solide devant six millions de spectateurs, mais elle savait que son tuteur de résilience s’était défilé et qu’elle devait faire avec les six millions et sans le tuteur. Elle prenait conscience de la trace plus menteuse. Elle n’était pas encore en mesure de vivre avec l’existence du viol, même si elle affirmait le contraire, mais elle ne serait plus obligée d’oublier. Cette émission avait eu lieu, elle était transcrite : Camille n’était plus une affabulatrice.

Le fait que le père de Camille soit officier supérieur faisait peur aux journalistes, comme si en exerçant une autorité par les armes il devait être plus méchant que les autres. Salutaire, pour Camille, de rester persuadée qu’il avait plus de facultés à exercer son autorité et jouer de la permissivité de la société. Ni plus féroce, ni plus calculateur, mais il était pleutre. Camille soutenait que le système du viol par inceste, d’où qu’il vienne, restait intéressant à étudier pour qu’il cesse de se reproduire. Une méthode totalitaire universelle dans laquelle chacun pouvait se trouver impliqué. Un procédé par lequel les bourreaux s’assurent de la complicité de leur victime et de leur entourage par leur silence, non par mesure de commodité, mais par idéologie dominatrice. Une domination accessible aux plus ou moins influents dans notre société.

Extraits d’un tapuscrit en cours : Interdits ordinaires.

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28 août 2009

SOS Inceste Belgique – contre la prescription – Texte pour le Parlement

Ce travail est le résultat d’un groupe de réflexion pluridisciplinaire, initié par :
SOS Inceste Belgique ,
sosinceste.belgique@skynet.be + 32 2 646 60 73
en collaboration avec
– La Free Clinic, (+32 2 512 13 14)
– Ni putes ni soumises, (contact@niputesnisoumises.be)
– Des victimes d’inceste
– Des juristes
– Des médecins
– Policiers
1 avril 2009

Créée en 1990, notre association accueille depuis presque 20 vingt ans des adultes, hommes et femmes, ayant subi l’inceste au cours de leur enfance. Régulièrement, nous sommes témoins des difficultés que ces victimes rencontrent dans leur parcours judiciaire. Nous vous remercions donc de nous permettre de vous faire part de notre expérience.
Ces dernières années, des avancées législatives importantes ont permis une meilleure reconnaissance par la Justice des abus sexuels sur mineurs. Nous observons cependant que les victimes d’inceste ne retirent pas autant de bénéfice de ces progrès que les mineurs abusés hors du cadre familial.
L’absence de qualification spécifique (l’inceste n’est ni reconnu ni qualifié en tant que tel dans le code pénal), ne permet pas de prendre en compte la spécificité de l’abus sexuel intra familial et les difficultés particulières auxquelles la victime est confrontée pour pouvoir faire appel à la justice : difficultés à nommer l’acte, à briser le silence, à sortir de l’emprise exercée par l’abuseur.
L’interdit de l’inceste est au fondement même de nos institutions car il permet de nouer le biologique, le social et l’inconscient. Il nous institue comme sujet en nous inscrivant dans une généalogie. « Chaque fois que la mise généalogique pour un sujet est perdue, la vie ne vit plus » (Legendre). Les victimes d’inceste l’expriment très justement lorsqu’elles nous disent : « nous ne faisons plus parties des vivants ». Une grande partie de notre travail va consister à ramener les victimes vers la vie : leur rendre confiance dans nos institutions, leur permettre de recréer des liens sociaux et de trouver le réseau d’aide existant.
Depuis 2000 il semble que l’ONU se préoccupe que le mot inceste ne soit pas explicitement repris dans le code pénal de certains pays et que l’inceste ne soit pas érigé en infraction spécifique. C’est le cas pour la Belgique et la France.
Bien qu’il ne mentionne pas l’inceste, le code pénal considère le fait que le coupable d’attentat à la pudeur et de viol ait autorité sur la victime comme une circonstance aggravante. Cela ne suffit pas pourtant, selon nous, à prendre en compte l’emprise exercée au sein de la famille, par le parent abuseur.
L’emprise est le moyen par excellence utilisé par l’abuseur pour pouvoir abuser de sa victime. L’inceste débute souvent à un très jeune âge. L’enfant est alors submergé par des actes sexuels dont il ne comprend pas la signification. L’abuseur peut lui expliquer qu’il s’agit de marques d’affection et donc perturber complètement ses points de références affectifs. L’enfant abusé dans son milieu familial vit la plupart du temps dans un système totalitaire où la domination, le contrôle et le chantage le maintiennent dans l’isolement. Ce chantage induit souvent une angoisse de mort. Parfois, l’enfant vit dans une ambiance où règnent la séduction, la culpabilisation, la confusion totale des rôles, la menace d’abandon.
L’enfant est confronté à une situation à laquelle il n’est préparé ni physiquement ni psychiquement. Il se retrouve dans une impuissance totale. De plus, dans bien des cas, l’abuseur fera du chantage pour que l’enfant se taise, ce qui renforcera encore son isolement. Il y a chez l’abuseur une volonté de destruction et d’appropriation qu’il manifeste par des regards et des paroles. L’enfant vit dans une angoisse perpétuelle, là où il devrait trouver sécurité et amour. L’emprise psychique est totale. L’enfant, pour survivre à ce système, doit se soumettre et trouver des techniques de survie qui auront des conséquences sur son évolution future, sa vie psychique, son affectivité et sa santé.
Lorsqu’il ne peut rien dire pour toutes les raisons qui ont été évoquées, l’enfant ne reçoit que rarement une aide extérieure. Les voisins, instituteurs, psychologues, médecins ou assistants sociaux, s’ils ont parfois des doutes (ou, pire encore, savent), hésitent à parler car le mythe du bon milieu naturel est tenace et notre représentation idéalisée de la famille comme lieu sécurisant pour l’enfant l’est tout autant.
Le Dr Sgroi, psychiatre américaine dit dans « Agression sexuelle et l’enfant » (1986) : « l’exploitation sexuelle est tellement secrète que les protagonistes viennent eux-mêmes à en nier l’existence ».
En sortant de l’adolescence, l’enfant abusé dans sa famille est dans un état de survie. Les sentiments de honte et de culpabilité, le refoulement sont autant d’obstacles à une révélation précoce. L’amnésie post-traumatique lui permet de survivre, l’abus est refoulé, enfoui durant de longues années. Des états dépressifs s’installent, l’inadaptation sociale, les tentatives de suicide et/ou des conduites d’autodestruction tels que l’automutilation, les états de dépendance, d’addictions diverses se rencontrent fréquemment.
On peut également observer une forte colère intérieure avec un sentiment de culpabilité intense. Les difficultés affectives et sexuelles sont nombreuses pouvant aller jusqu’au dégout de son propre corps (difficultés avec l’hygiène corporelle ou au contraire lavages répétés comme pour se purifier). Les relations sexuelles peuvent devenir inenvisageables ou à l’inverse la personne peut se lancer dans des activités destructrices comme la prostitution par exemple. L’expérience précoce de la douleur peut pousser certaines personnes vers des comportements pervers tels que des pratiques sadomasochistes ou autres.
Des séquelles physiques, de graves problèmes de santé peuvent persister tout au long de la vie : hypertension liés à des problèmes de stress, problèmes au niveau du sommeil avec cauchemars récurrents, troubles et maladies du système digestif, maladies sexuellement transmissibles, lésions génitales parfois irréversibles.
Le coût économique de ces maltraitances est important au niveau de la société. Certaines personnes se retrouvent dépendantes économiquement de la mutuelle, du C.P.A.S, de la caisse maladie – invalidité et ce, pendant de très longues années.
On le constate, les symptômes des abus sexuels peuvent toucher toutes les sphères d’activité et ceci pendant très longtemps, même si le traumatisme peut être surmonté dans le courant de l’existence, celui-ci risque d’être réactivé par certains événements rappelant les faits passés.
Enfin, l’insertion sociale peut être rendue difficile par l’absence d’intégration de la loi, d’où les difficultés à accepter certaines règles qui semblent dérisoires par rapport aux exactions subies.
L’individu soumis aux violences sexuelles intrafamiliales n’en sortira pas indemne ce qui explique qu’une grande majorité des victimes n’est capable de parler des faits que tardivement.
De plus, la victime qui dénonce les faits s’expose à la réprobation familiale, celle-ci étant désireuse de maintenir l’unité familiale à tout prix et, dans certains cas, de préserver la respectabilité du nom en sacrifiant la victime. Ce silence, qui traverse parfois plusieurs générations, permet à l’abuseur de continuer à abuser impunément. Les cas ne sont pas rares où un père abuse de tous ses enfants, garçons et filles, et abuse ensuite de ses petits enfants. On observe que bien souvent c’est la victime, parce qu’elle parle, qui est considérée comme la perturbatrice de la famille. Le risque d’exclusion, la peur de la solitude l’amènent bien souvent à renoncer à poursuivre en évitant d’entamer des démarches ou en retirant sa plainte.
Notre expérience montre que, même pour un adulte, la difficulté à dénoncer les faits est importante, l’emprise de l’abuseur ne s’arrêtant pas à la majorité de la victime.
Néanmoins, des victimes décident, en portant plainte, d’exprimer face à la société qu’elles ont été victimes. Cette démarche est le début d’un parcours difficile. La procédure judiciaire est une succession d’épreuves. Expertises, déplacements, confrontations, reports des dates du procès, attente du verdict, pèsent sur la victime dans une période où elle cherche à se reconstruire. Bien souvent, elle ne peut entamer ces démarches que parce qu’elle a trouvé des alliés qui la soutiennent. Souvent, un évènement déclencheur pousse à une prise de conscience et rend la plainte indispensable. Le fait de buter à ce moment là sur l’obstacle que représente la fin du délai de prescription peut faire perdre tout espoir et augmenter la douleur du traumatisme.
Or, la reconnaissance du traumatisme et de ses séquelles par la justice apparaît comme un facteur de possible rétablissement des victimes, elle peut apaiser des sentiments de vengeance, elle peut ouvrir pour victime la voie vers sa propre reconstruction.

Que demandent donc les victimes ?
Premièrement, d’insérer dans le code pénal un article qui définisse l’inceste et le rende punissable comme tel, parce que l’emprise qui s’exerce à travers les liens affectifs et familiaux, au sein d’une famille qui fonde la norme pour l’enfant, va bien au-delà d’une autorité sur mineur.
Concrètement, faire de l’inceste un crime spécifique va entrainer d’autres modifications dans le code pénal. L’acte incestueux sera toujours assimilé à un acte accompagné de violences et de menaces parce que la victime, même majeure, est incapable de s’y opposer ou d’y résister. L’absence de consentement de la victime doit être présumée. A fortiori, l’âge de la majorité sexuelle, qui est chez nous de 14 ans, ne sera plus pris en compte. Il arrive en effet que certains pères attendent la majorité civile pour commencer les abus, tout en ayant, de longue date, préparé l’enfant par des comportements manipulatoires.
A cause de l’emprise, les victimes se soumettent à l’acte incestueux et se trouvent confrontées à l’impossibilité de prouver qu’elles n’étaient pas consentantes à l’acte incestueux.
De par l’emprise subie par la victime dans le passé il est également important qu’une interdiction d’approcher soit signifiée à l’auteur lors du jugement et appliquée de manière systématique afin de permettre à la victime de mettre à distance le passé de maltraitance qui a été le sien.
Nous proposons de permettre aux juges dans le dispositif de leur jugement de condamnation et aux juridictions chargées d’examiner les conditions de « mise en liberté » d’un auteur de faits incestueux, d’indiquer systématiquement qu’il est fait interdiction à l’auteur :
- de rentrer en contact, de quelque manière qu’il soit, avec la victime ou des personnes de l’entourage direct de la victime
- de se rendre dans un certain rayon (à préciser) aux alentours du lieu de domicile et de résidence habituelle de la victime (tels qu’école, lieu de travail, lieu où la victime participe habituellement à des activités de loisirs).
Le non-respect de ces conditions conduira le Parquet du Procureur du Roi à considérer qu’il s’agit de faits de harcèlement également punissables par la « loi » et qu’il est fait obligation à l’auteur, en cas de rencontre fortuite, avec la victime, de quitter de sa propre initiative les lieux.

Pour définir l’inceste, nous proposons la définition formulée par l’ONE en 1991 avec la collaboration des équipes SOS-Enfants (textes revus en 1994) :
« Inceste : l’abus sexuel est réalisé par un (des) parent(s) ou allié(s) de l’enfant avec lequel le mariage est impossible. L’abuseur est donc une ou plusieurs personnes suivantes :
- le père, la mère, le beau-père, la belle-mère, on y adjoindra, le compagnon (compagne) stable d’un des parents, lors des reconstitutions familiales, pour peu que cette personne ait été mise clairement en position de substitut parental : dans tous ces cas nous parlerons d’inceste réalisé par un parent.
- un frère, une sœur, un demi-frère, une demi-sœur, un oncle, une tante, un des grands-parents : ici nous parlerons d’un inceste réalisé par un autre membre de la famille. »

Deuxièmement, les victimes demandent qu’on laisse à chacune d’elles le temps psychologique qui est nécessaire pour entamer un parcours judiciaire. Elles demandent un allongement du délai de prescription et aimeraient même que les faits soient imprescriptibles. La modification qui a porté en 2001 le délai de prescription à 10 ans à partir de la majorité civile reste, dans de nombreux cas, insuffisante.
Dans les cas d’inceste, une réforme nous semble nécessaire aux fins d’allonger le « délai originaire » de la prescription et prévoir une durée indéterminée pour ce délai. (Nous vous proposons d’en référer à notre annexe juridique qui explicite très clairement les modalités d’un tel changement). Le « second délai » peut être maintenu à 5 ans pour les crimes correctionnalisés commis à l’égard d’une victime majeure et à 10 ans pour les crimes correctionnalisés commis à l’égard d’une victime mineure.
L’allongement du « délai originaire » de la prescription de l’action publique aux fins de permettre aux victimes d’inceste de bénéficier d’un temps nécessaire pour dénoncer les faits dont elles ont été victimes ne porte pas atteinte aux principes énoncés par la Convention européenne.
Art. 22 bis de la constitution : « chaque enfant a droit au respect de son intégrité morale, physique, psychique et sexuelle. » Article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable. »
Enfin, l’allongement du délai pour entamer une poursuite judiciaire permettrait un meilleur repérage des agresseurs sexuels et, par là même, ouvrirait la porte à une meilleure prévention et à une meilleure prise en charge, au niveau protectionnel comme au niveau thérapeutique.
Jean Claude Guillebaud, journaliste et écrivain français relève dans son essai « Le principe d’humanité » : « Le père (et nous ajoutons la mère) qui possède sexuellement le corps de son enfant cède à un désir inhumain. Il brise le cours du temps. Il efface la parenté. Il interdit à la victime de prendre place dans la chaîne généalogique des générations. L’inceste est le cousin du génocide en ce qu’il aboutit à détruire l’individu en détruisant son lien de parenté. Ce qu’il violente, en somme, ce n’est pas seulement le corps de l’enfant ou l’un de ses organes, c’est très exactement ce qui fonde son humanité. »
C’est donc avec insistance que nous vous demandons d’intervenir pour les victimes d’inceste qui vivent dans le silence et qui attendent qu’on leur tende la main.
Dans notre exposé, nous n’avons pas abordé le traumatismes liés à l’infibulation et l’excision partielle ou totale, bien qu’il s’agisse également de violences sexuelles infligées aux enfants par leur famille.
Ces pratiques abjectes et malheureusement encore trop taboues nuisent gravement à la santé des fillettes et des jeunes filles qui les subissent.
Nous considérons que ces pratiques sont contraires à la Déclaration Universelle des Droits De L’Homme et à la Convention des Droits de l’Enfant.
Nous approuvons toutes les initiatives prises pour que celles-ci bénéficient également des aménagements juridiques nécessaires à leur rétablissement.
Nous vous suggérons de prendre contact avec le « GAMS Belgique »avec qui nous collaborons, et qui s’occupe plus spécifiquement de cette problématique. info@gams.be

Bibliographie :
– Guillebaud Jean-Claude, « Le principe d’humanité », Editions du Seuil, 2001
– Legendre Pierre, « Leçon IV, l’Inestimable Objet de la Transmission », Fayard, 1985
– Sgroi Suzanne, « L’agression sexuelle et l’enfant »,Trécarre, 1983

En annexe :
– Annexe nr 1 : Réflexions relatives aux notions juridiques en matière d’inceste et relatives aux dispositions légales qui organisent la prescription de l’action publique et la prescription de l’action civile. Astrid Bedoret, avocat.
– Annexe nr 2 Témoignages A,B,C,D,E,F
– Annexe nr 3 : Carte blanche parue dans le Journal du Soir du 18 mars 2009 – Annexe nr 4 : Les séquelles de l’abus sexuel intrafamilial, Janine Deckers, psycholgue
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27 août 2009

Georges Vigarello : Histoire du viol 16e-20e siècle

Page 247

Le témoignage d'une victime d'inceste publié sous forme de livre en 1992, Viol d'inceste, auteur obligatoirement anonyme1, n'est pas le premier du genre. Il est le premier en revanche à revendiquer une démarche exclusivement psychologique, insistant comme jamais sur le dommage intérieur provoqué par l'agresseur : « Je ne porte pas plainte contre mon père2... », mais « il était devenu un tueur… toute ma personnalité d'adulte est déterminée par le viol3 ». D'où cette démarche quasi thérapeutique, cette décision de se libérer en révélant : « Je n'écrirai qu'au sujet de mon vécu4. » D'où encore ce double déplacement du regard sur le viol en général et sur l'inceste en particulier : la gravité de l'acte mesurée à la « santé psychologique et mentale 5» de la victime ; la parole prise par cette victime ensuite, censée dire publiquement ce qu'elle a subi, contribuant à une sensibilisation largement renouvelée de l'opinion.

Rien ne serait plus contestable que de limiter la conversion du regard récent sur le viol à ces deux déplacements. Bien des renouvellements sont à suivre, dont celui de l'image de l'agresseur par exemple. Mais l'importance attribuée à la souffrance psychique comme l'importance prise par l'initiative des victimes ou de leurs proches sont déterminantes, révélant de nouveaux effets de la violence et de nouveaux rapports entre les acteurs. Ce qui peut, au bout du compte, transformer le sens des brutalités dénoncées.

notes de la cinquième partie le débat des mœurs

1. Viol d'inceste, auteur obligatoirement anonyme, Paris, Eulna Carvalo, 1992.
2. Ibid., p. 20.
3. Ibid., p. 25 et 26.
4. Ibid., p. 20.
5. Ibid., p. 11.

Je préfère le terme de survivante à celui de victime
La victime est "souffrante du fait de quelqu'un" elle est passive , la survivante "survie à quelqu'un d'autre", "elle a échappé à la mort dans une circonstance grave", de part le fait de vivre encore elle est active. La culture des incestées, vue de l'intérieur se définit par la survivance et vue de l'extérieure par la victimisation. C'est ce qu'aime bien notre actuelle société : des victimes sur lesquelles on peut s'attendrir un instant mais qui n'ont qu'un intérêt précaire pour se faire plaisir dans l'aide ponctuelle et déculpabilisante que l'on peut leur apporter.
Une survivante est une preuve qui fait peur, elle veille et je note que le livre de l'Auteure anonyme – qui pour moi servait de veille – n'est que celui d'un victime passagère que l'on ne retrouvera pas :
1. Viol d'inceste, auteur obligatoirement anonyme, Paris, Eulna Carvalo, 1992.
Viol par inceste, auteure obligatoirement anonyme, Paris, Eulina Carvalho, 1993.
J'ai googelisé quelques références pour faire mon blog et je suis tombée dessus par hasard, ayant fait une faute à auteur.

1 – Viols par inceste – Page 20
Il s'est tu lors de toutes mes interventions dans les journaux, à la télévision et après, bien que place lui ait été laissée pour qu'il me poursuive en diffamation, s'il le jugeait nécessaire. Je considère ce silence comme un aveu de
sa part. Il est fier, orgueilleux et sait bien que le silence le protégera. Il ne doit pas se dévoiler lui-même. De cette façon, il ne m'attaque pas, alors je n'ai pas besoin de me défendre. Il me faudra surtout soutenir le fait que je ne porte pas plainte contre mon père. Un procès, à mes yeux, représente la loi du talion. Je suis une adulte, je ne risque plus rien, le procès ne représenterait alors que piètre vengeance.

C'est sans doute ici, le lieu d'expliquer que je n'ai pas porté plainte contre mon père, non parce qu'il me manipulait dans "le dommage intérieur provoqué par l'agresseur", mais parce que mon entourage, tout un chacun, les structures sociales inexistantes, les avocats menteurs pour une défense inappropriée, n'étaient en rien prêts à un procès. J'ai assisté à quantité de procès se terminant en diffamation aux dépends de la jeune femme ; j'ai assistée impuissante au suicide de certaines d'entre elles. Un procès raté et inéquitable est un viol supplémentaire, celui dont on ne se relève pas.
Notre société crie vengeance, elle veut se protéger d'agresseurs, de personnes associales qu'elle a pourtant aidées à être, mais ne protège en aucun cas les incestées ni ne les aide à se relever. Cependant, en matière de viol par inceste, nous ne sommes pas dans un jeu vidéo où les agresseurs doivent être neutralisés et les victimes résilientes. Notre société actuelle nous veut ainsi mais le viol est plus vieux que toutes les sociétés.


Voir le billet porter plainte et les commentaires


2 – Viols par inceste – Page 25

Le sentiment de ma propre responsabilité dans l'acte, le poids de ma culpabilité ne se sont pas installés ce jour-là. En frottant ma peau que je voulais étriller pour la changer, je savais qu'il n'était plus mon père ni moi, sa fille, qu'il était devenu un tueur et moi, sa victime. Je savais que je n'y étais pour rien, que, s'il m'avait tuée, nous n'aurions pas eu à partager le fardeau des responsabilités et des conséquences, mais comme je n'étais pas morte, il a fait de moi sa complice.


3 – Viols par inceste – Page 26
Toute ma personnalité d'adulte est déterminée par le viol, ma façon de vivre, de l'éviter, de le concevoir. Il y a dans ma gorge fureur et silence, c'est pourquoi il m'est toujours très difficile de parler des viols ; les mots s'embrouillent, reviennent plusieurs fois et se dérobent. Ces actes sont enfouis au plus profond de moi-même. Rien n'est oublié, tout est enterré pour me laisser vivre. Le viol et ses conséquences sont une grande pieuvre menaçante. La vie s'écoule tranquillement et, tout à coup, une grande tentacule de cet animal resurgit et essaie de m'étouffer. Il me faut tuer cette bête afin qu'elle ne me menace plus. Tout est clair dans ma tête, mais ne se formule pas nettement. J'espère que mon écriture sera plus lisible que ma diction n'est audible.

4 – Viols par inceste – Page 20
Je n'écrirai donc qu'au sujet de mon vécu : de viols par inceste. Je ne parlerai pas d'abus sexuels. Ils existent, mais ne peuvent être comparés à la souffrance qu'inflige le viol. Je veux arrêter cette démarche qui amalgame le tout et nivelle les abus sexuels aux viols par peur de les oublier. J'aurai toujours, comme base de réflexion, que de nombreux viols se sont répétés sur une durée de quinze années environ. J'affirme que le viol complet, la répétition et la durée ne peuvent ni ne doivent être considérés de la même façon qu'une démonstration exhibitionniste, qu'un abus sexuel ou qu'un seul viol. Les abus sexuels autant que les viols expriment le manque de respect aux femmes considérées alors comme un objet dont les hommes se servent ou prétendent se servir. De ce point de vue, la différence entre les uns et les autres s'estompe. C'est au niveau de la répétition et de la durée de l'acte, de la violence subie et donc de leurs conséquences, qu'ils ne peuvent pas être comparés. Les viols par inceste, en plus répétés, sont les plus graves de toutes les agressions d'ordre sexuel.

5 – Viols par inceste – Page 11
Requête en changement de nom

Que cela a mis en risque sa santé physique et psychologique, le suicide ayant été, pendant et jusqu’à il y a très peu de temps, la seule issue envisagée ;

Qu’elle a besoin, pour l’équilibre de sa santé physique et mentale, de rompre définitivement avec cet homme ;

Cette requête en changement de nom n'a jamais abouti étant donné que je n'ai pas porté plainte et que mon père n'a pas été reconnu coupable.

A History of Rape: Sexual Violence in France from the Sixteenth to the Twentieth Century.
By Georges Vigarello
Translated by Jean Birrell.
Cambridge: Polity Press. 2001

The testimony of a victim of incest published in book form in 1992, Viol d’inceste, auteur obligatoirement anonyme, was not the first of its genre, but it was the first to proclaim an exclusively psychological approach, insisting in a new way on the inner damage caused by the aggressor: ‘I made no complaint against my father…’ but ‘he had become a killer… my whole adult personnality was determined by the rape.’ This explains the quasi-therapeutic act, the décision to seek release by telling all: ‘I will vrite only about what I have experienced.’ It also explains the twofold change in ways of seing rape in général and incest in paricular: the gravity of the act measured in terms of the victim’s ‘psychological and mental health’; the victim speaking out, expected to tell the world what s

he has suffered, contributing to a général transformation of sensibilities.



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25 août 2009

Il existe trois « profils » de délinquants sexuels selon Roland Coutanceau

Selon Roland Coutanceau, il existe trois « profils » de délinquants sexuels.

- Les sujets immaturo-névrotiques, les sujets immaturo-égocentriques et les sujets égocentrés.

Les premiers correspondent à des personnes anxieuses, très timides, inhibées et totalement immatures. Ce type de délinquants sexuels est sensible au regard social. Ils ont honte de leurs actes et souhaitent ne plus recommencer, car elles sont très marquées par l’opprobre social.

La deuxième catégorie concerne des personnes à la fois immatures et égocentriques. Elles acceptent l’obligation de soins, même si au départ elles n’en voient pas l’intérêt. Elles se laissent faire par la société, mais restent fragiles dans toute situation à risque, par exemple si elles se retrouvent seules quelque part avec une victime potentielle.

La troisième catégorie regroupe des personnes très égocentrées et parfois même mégalomanes . Elles sont peu sensibles aux autres, n’éprouvent pas ou peu de honte et se montrent souvent froides, voire cyniques. Les sujets de cette troisième catégorie sont statistiquement plus dangereux, ils récidivent fréquemment et c’est dans cette catégorie qu’il y a ce qu’on appelle les serials violeurs et serials killers.

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19 août 2009

1/ Gentling: A Practical Guide to Treating PTSD in Abused Children

By William E. Krill, Jr.
Reviewed by Kelly Stovall
Broché : 242 pages
Editeur : Loving Healing Press (19 août 2009)
Langue : Anglais
ISBN-10 : 1615990038
ISBN-13: 978-1615990030


"Gentling" represents a new paradigm in the therapeutic approach to children who have experienced physical, emotional, and sexual abuse and have acquired Post Traumatic Stress Disorder as a result. This text redefines PTSD in child abuse survivors by identifying child-specific behavioral signs commonly seen, and offers a means to individualize treatment and measure therapeutic outcomes through understanding each suffering child's unique symptom profile. The practical and easily understood Gentling approaches and techniques can be easily learned by clinicians, parents, foster parents, teachers and all other care givers of these children to effect real and lasting healing.
William E. Krill, Jr., LPC
Loving Healing Press (2009)
ISBN 9781615990030
Reviewed by
Paige Lovitt for Reader Views (8/09)
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Autres billets sur le livre Gentling: A Practical Guide to Treating PTSD in Abused Children
2/ Traumatic Stress and Memory
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17 août 2009

8/ Le rôle de l'altruisme après les viols par inceste par Serge Tisseron

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Enfin, ce corps étranger enfermé au sein de la personnalité peut produire encore un autre effet. Quiconque a été un jour victime court le risque de constituer sa souffrance en raison de vivre. Beaucoup d'anciennes victimes trouvent dans leur douleur passée sans cesse ressassée une intensité de vie que rien ne leur apporte par ailleurs, en même temps qu'une façon de se protéger de la vie en s'en tenant à l'écart. Les psychologues et les psychiatres connaissent tous des patients qui souffrent et ne veulent pas guérir. Mais ils ne sont pas les seuls. Les kinésithérapeutes, les ostéopathes et les rhumatologues y ont aussi souvent affaire ! Ne pas vouloir guérir n'a rien de masochiste. Ce n'est pas une façon de se faire souffrir pour avoir du bien. La réalité est malheureusement plus terne : c'est une manière de s'installer dans une intensité qu'on a un jour connue et d'y faire son nid. C'est ce que Jacques Lacan a justement appelé « jouir de son symptôme ». Le mot de jouissance n'est bien sûr pas à entendre ici comme un plaisir suprême, mais comme une forme d'installation dans le symptôme, au sens qu'on donne au mot lorsque dans un contrat de location, on précise que le locataire s'engage à « jouir du bien en bon père de famille ».
…/…
Cela ne l'empêche pas forcément d'avoir une bonne adaptation à la réalité et de réussir sa vie professionnelle et sociale. Seul son entourage proche connaît le prix de ces apparences. Enfin, certains survivent à un traumatisme en développant le courage de se battre mieux et plus, tandis que d'autres renversent la situation et opèrent une métamorphose absolue de la laideur en beauté.
…/…
On voit que l'identification à l'agresseur est un concept bien plus complexe et riche que la caricature qui en est souvent donnée. Il est vrai que lorsqu'Anna Freud l'a repris (1949), elle a privilégié ce qui amène une ancienne victime à se comporter comme son agresseur passé. Mais il s'agit d'une interprétation restrictive dont il conviendrait de rappeler l'origine à chaque fois qu'il en est fait usage.
3. L'altruisme.
Lorsqu'Anna Freud s'est préoccupé de décrire les mécanismes de défense du Moi, elle a été amenée à s'intéresser aussi à l'altruisme. Elle l'a fait en psychanalyste, c'est-à-dire en se souciant des mécanismes psychiques qui sont à l'œuvre dans ce comportement. Pour elle, il s'agissait d'une projection de ses propres désirs sur une autre personne, et elle le
définissait comme une « cession altruiste de ses pulsions » (1949) : celui qui fait preuve d'« altruisme », donne souvent à autrui ce qu'il aimerait qu'on lui donne à lui-même ! À la limite, 1'« altruiste » peut vouloir donner à son prochain ce que celui-ci ne désire pas et lui refuser ce qu'il attend ! Anna Freud va très loin sur cette voie en écrivant que l'altruiste peut se transformer en meurtrier pour sauver des personnes qu'il pense aliénées alors que celles-ci ne demandent rien. Nous nous rapprochons, avec une telle définition, du comportement des fanatiques qui tuent des innocents.
Cette idée a trouvé récemment son illustration : il y a des personnalités gravement malmenées par des traumatismes qui se reconstruisent en devenant des terroristes. Mais quand les adeptes de la résilience parlent d'« altruisme », c'est dans des termes bien différents. Il devient sous leur plume la disposition à s'intéresser à autrui et même, pour certains, « ce qui permet de se faire aimer grâce au bonheur qu'on donne », voire de « se faire plaisir en rendant les autres heureux » (B. Cyrulnik, cité par J. Lighezzolo et de C. Tychey, 2004).
Cette définition, aussi légitime qu'une autre, ne peut néanmoins pas prétendre se situer dans la continuité d'Anna Freud et de sa définition des mécanismes de défense. Pour celle-ci, rappelons-le encore, l'altruisme ne consistait pas à « donner du bonheur » à qui que ce soit, mais à prétendre abusivement donner à autrui ce qu'on attend pour soi, au risque de provoquer le malheur autour de soi. Enfin, il arrive que l'engagement « altruiste » corresponde au désir de se faire du mal... avec l'alibi de (croire) faire du bien à autrui !
Quand on a beaucoup souffert, être malheureux est en effet, comme nous l'avons vu, un état souvent jugé « normal », bien plus facile à supporter qu'un bonheur auquel on n'a jamais été habitué (D. Anzieu, 1996). On peut être sincèrement attaché à ce qui nous fait souffrir… justement parce que cela nous fait souffrir, et parce que le malheur aiguillonne l'action bien plus efficacement que le bonheur. S'imposer des tâches impossibles – et notamment des tâches altruistes - peut être un moyen de rester fidèle à une souffrance passée. Cela permet d'éprouver la volupté du malheur librement choisi et console du fait d'avoir été si longtemps malheureux sans rien y pouvoir !
Bref, les traumatisés de la vie qui deviennent « altruistes » - au sens d'un comportement qui se préoccupe du bien d'autrui – ne sont pas forcément animés par « le bonheur de rendre les autres heureux ». Ils sont parfois animés de la « délégation des pulsions » dont nous parle Anna Freud, et d'autres fois, ils cherchent tout simplement à se rendre malheureux en s'imposant des tâches impossibles. Les trois situations sont possibles, et elles coexistent même parfois chez la même personne. L'utilisation du mot de « résilience » nous cache malheureusement cette complexité.
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Autres billets de Serge Tisseron
1/ Serge Tisseron : La résilience – 2007
2/ Serge Tisseron : « Résilience » ou la lutte pour la vie
3/ Résilience "Que Sais-Je" : attention, dangers ! par Marie Bonnet

4/ La résilience par Serge Tisseron – Que sais-je ? – 2009
6/ Doit-on se sortir de l'inceste sans psy
7/ Existe-t-il un usage résilient d'Internet ?
9/ Le pouvoir des métaphores dans la résilience : le tricot
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16 août 2009

Rochefort Christiane : La porte du fond

Decitre
Poche
Paru le : 01/09/1990
Editeur : LGF/Livre de poche
Collection : Le livre de poche
ISBN : 2-253-05277-9
EAN : 9782253052777

Les mots se taisent dans ce livre et malgré le silence, on les entend. On entend un enfant en péril par la voix de l’adulte qu’elle est devenue. On entend un père de mauvaise foi, misérable et odieux par la voix d’une adolescente suicidaire et désemparée. On entend une mère qui refuse la réalité et se trompe de coupable, de victime par la voix de sa chair qui crie au secours et qu’elle ne comprendra jamais.
Le style de la romancière est hachuré. Parfois imagé, parfois on a l’impression qu’elle a écrit sous l’effet du LSD mais c’est poignant. L’écriture nous transporte dans un siphon sans fin nous faisant ressentir l’écœurement de ce qu’elle a vécu. Vu que c’est autobiographique on sait plus ou moins que la fin est heureuse, que malgré l’inceste, cette fille a réussi bon an mal an à s’épanouir et que son exutoire est devenu l’écriture.

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Dworkin Andrea : Pouvoir et violence sexiste

Personnalité marquante du féminisme américain, Andrea Dworkin, est décédée en avril 2005 à l’âge de 58 ans, et elle a laissé une œuvre politique et littéraire exceptionnelle. La lutte contre la violence sexiste, en particulier contre la pornographie, a été le grand combat de sa vie, et la recherche de la justice pour les femmes en a été le moteur. « Je rêve qu’un amour sans tyrannie soit possible », écrivait-elle dans First Love. Personne ne mérite, clamait-elle, le sort des femmes violées, battues, pornographiées, prostituées, assujetties, dominées, persécutées physiquement et psychologiquement. De ces réalités radicales que vivent de nombreuses femmes, Andrea Dworkin a fait une analyse radicale, sans les compromis ni les détours qui parsèment parfois les analyses féministes.

Dans Pouvoir et violence sexiste qui regroupe cinq textes traduits en français, Andrea Dworkin dissèque le pouvoir sexiste qui détruit la vie des femmes. Son aptitude à articuler analyse et recherche de l’action, la justesse et la force de sa pensée, son pouvoir de persuasion expliquent sans doute la crainte qu’elle a inspirée aux pouvoirs politiques et médiatiques. Ils l’ont discréditée, combattue, menacée sans relâche, ils ont inventé n’importe quoi sur son compte, lui ont fait dire ce qu’elle n’avait pas dit, sans jamais réussir à la faire taire.

Andrea Dworkin appelle les femmes à s’unir pour nommer le pouvoir, résister, agir, se réapproprier leur existence. « Nous savons comment pleurer, dit-elle. La vraie question est : Comment allons-nous nous défendre ? » Pouvoir et violence sexiste répond en partie à cette question et à plusieurs autres questions fondamentales. En lisant ces textes, celles et ceux qui mènent une lutte à finir contre la violence sexiste y trouveront une justification de leur travail.

Andrea Dworkin, Pouvoir et violence sexiste, éditions Sisyphe, Montréal, 2007. Préface de Catharine A. MacKinnon. Traduction de Martin Dufresne. Format : 10 cm x 15 cm, 126 pages. ISBN : 978-2-923456-07-2.

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15 août 2009

Hefez Serge : Familles, je vous haime

Dans la cave de l'ogre Fritzl L’ogre nouveau a surgi des fins fonds de l’Autriche. Il s’appelle Josef Fritzl. Une photographie dévoilant les yeux verts glacés de serpent, le sourire dominateur et la fine moustache a fait le tour du monde. Chacun se raconte en frissonnant à sa manière les détails du scénario abominable : viols, incestes, séquestrations, enfants de l’ombre, enfants martyrs, nouveaux-nés abandonnés ou dévorés par les flammes, et puis ce temps qui n’en finit pas de s’écouler, vingt-quatre ans ! Et puis tous les autres, à commencer par une mère, qui ne voient rien, qui n’entendent rien, qui vivent avec sous leurs pieds un univers parallèle dans lequel se déchaînent, en deçà de toute Loi ou de toute morale, les fantasmes les plus abominables… Comment est-ce possible, comment peut-on, comment a-t-il pu ? Avons-nous basculé à pieds joints dans l’univers de l’impensable, de l’innommable, de l’irreprésentable ? Et pourtant. Un roman rencontre aujourd’hui un succès hors du commun. Il s’appelle Millénium et, malgré ses trois volumes et ses deux mille pages, il est en passe de battre tous les records des ventes dans la plupart des pays du monde. Sans vouloir en révéler l’intrigue pour les quelques lecteurs qui auraient encore échappé à ce raz-de-marée, il conjugue tous les ingrédients du drame d’Amstetten : famille suédoise dominée par un tyran sexuellement déséquilibré, séquestrations dans une cave sous la propriété familiale, viols, incestes, disparitions et tortures en tout genre dans un contexte de passé aux relents nazis. Et pourtant. Un autre roman, considérable, Les Bienveillantes, remporte il y a peu tous les prix littéraires. Il dissèque sur huit cents pages l’âme d’un homme qui s’enfonce toujours plus loin dans l’horreur de l’Allemagne hitlérienne, témoin et acteur du vertige de la toute-puissance, de la toute jouissance et de la domination. Et pourtant. Un homme, Autrichien lui aussi, a révolutionné le monde, en dévoilant en chaque être humain un monde parallèle peuplé de désirs incestueux, de fantasmes sexuels les plus étranges, de fantasmes d’emprise les plus monstrueux. Les animaux n’ont inventé ni les sex-shops, ni les chambres à gaz. Freud situe les fondements mythologiques de l’humanité dans la «horde primitive» placée sous le pouvoir du Père tyrannique tout puissant qui possède toutes les femmes du clan, à commencer par ses propres filles. La civilisation advient lorsque les fils se révoltent et assassinent le père incestueux. Il dévoile à travers ce mythe les fantasmes masculins les plus archaïques (et les femmes hébergent comme les hommes des fantasmes masculins, mais souvent dans une moindre mesure…) Alors bien sûr, il y a sur terre des ogres, des fous et des bourreaux, et d’autres pour qui la compassion, le souci d’autrui ou le respect ont un sens. Fritzl est un monstre qui mérite l’enfermement à vie et fait même envisager à certains la réhabilitation de la peine de mort. Le qualifier de fou, le reléguer dans un univers parallèle, le faire disparaître ne suffirait cependant pas à effacer cette abomination. La passion Millénium a du sens. À travers celui qui a franchi toutes les barrières, c’est notre humanité que nous ne finissons pas d’interroger. L’univers clos de la cave d’Amstetten nous fascine car il est à la mesure de cet inconscient qui se déchaîne. Il nous terrorise par ce qu’il dévoile. Il remplit d’horreur car l’humanité consiste à lutter contre la barbarie, pas seulement contre l’autre, mais aussi à l’intérieur de nous. Et cette lutte-là est quotidienne…

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9 août 2009

• Les victimes et leurs droits dans le système judiciaire par Gérard Lopez

Les entretiens & témoignages de l'Institut pour la justice
août 2009

Entretien Gérard Lopez

Les victimes et leurs droits dans le système judiciaire
L’IPJ : Que pensez-vous de la place de la victime dans nos sociétés à l'aube du XXIe siècle ?
Gérard Lopez : Il faut tout d’abord s’entendre sur ce que l’on entend par victime.
Pour moi, une victime est un individu (ou une personne morale) qui a subi un dommage reconnu par une loi, un texte ou un règlement.
Cette définition parait restrictive à certains, et je reconnais bien
volontiers que certains sujets n’ont pas – ou pas encore – obtenu le statut de victime, ce qui leur donnerait les droits que leur reconnaissent les instruments internationaux. Mais sans rigueur, on ne peut valablement critiquer les idéologies antivictimaires qui fleurissent actuellement.

Denis Salas critique ainsi « le populisme pénal » 3 qui inciterait la justice, influencée par les victimes, les médias et l’opinion publique, à punir sans plus se soucier de la réhabilitation du délinquant. Il considère que, sous l’influence anglo-saxonne, l’analyse des forces qui régissent la relation coupable/victime, glisse de plus en plus vers un jugement moral.

D’autres critiques paraissent encore moins pertinentes :
de La tentation de l’innocence 4
,
à Epîtres à nos nouveaux maîtres 5
,
Fausse route 6,
La société des victimes 7,
Le temps des victimes 8,
en passant par une pleine page du journal Le Monde du dimanche 22 - lundi 23 août
2004 avec à la Une : « L’affaire Marie L., miroir de la société française »,
puis en page 5 :
« L’affaire Marie L., révèle une société obsédée par ses victimes. Le crédit accordé d’emblée au récit inventé par la jeune femme, faussement agressée dans le RER, illustre les dérives du processus de reconnaissance des victimes, lancé depuis 20 ans. Cette évolution, analysée par des sociologues, philosophes et historiens, les place désormais au coeur de la démocratie. » « L’opinion est toute entière dans la compassion » ; « Cela témoigne de la dimension pessimiste de la modernité » ; « On se légitime par le malheur que l’on subit ».

« Etre victime, c’est chercher un responsable » expliquent les experts appelés à la rescousse, lesquels n’ont jamais été confrontés aux difficultés que rencontrent les victimes. En ce début de XXIe siècle il faut être vigilant pour que les acquis ne sombrent pas sous les coups de boutoirs dont ce rapide florilège donne une idée. Et cela est pire quand il s’agit de la parole des enfants, surtout depuis l’affaire dite d’Outreau.
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1 L’Institut de Victimologie est l’association fondatrice du réseau www.victimo.fr. Les responsables de l’Institut de Victimologie sont coordinateurs des Diplômes Universitaires de Psychotraumatologie et de Victimologie à l’Université Paris V. Le Centre assure le suivi post-agression de différents établissements bancaires et d’entreprises dans le cadre de conventions de suivi et de formation.
2 Le Centre du Psychotrauma, conventionné avec la sécurité sociale, fonctionne selon le principe du tiers payant. Pour l’année 2007, le nombre de consultations effectuées au Centre du Psychotrauma est de 6 104 dont 1 323 pour l’unité enfants.
3 Salas D., La volonté de punir. Essai sur le populisme pénal, Paris, Hachette, 2005
4 Bruckner P., La tentation de l’innocence, Paris, Grasset, 1995
5 Minc A., Epîtres à nos nouveaux maîtres, Paris, Grasset, 2003
6 Badinter E., Fausse route, Paris, Odile Jacob, 2003
7 Erner G., La société des victimes, Paris, La Découverte, 2006
8 Eliacheff C. et Soulez Larivière D., Le temps des victimes, Paris, Albin Michel, 2006
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Autres billets concernant les travaux du Dr Gérard Lopez
1/ La fascination est une des armes qu'utilisent préférentiellement les pères incestueux par Gérard Lopez
2/ Définition de la victime
3/ Les pères incestueurs
4/ Quelques conséquences sur les survivantes
5/ Psychologie des vampires
6/ La responsabilité
7/ La cure des incestueurs
8/ Le recours à la loi pour les victimes

• L’indemnisation = argent « sale » rarement utilisée à des fins constructives en cas d'inceste
• Accompagnement et approches psychothératpeutiques du stress

• Psychothérapie des victimes : Traitements, évaluations, accompagnement. Gérard Lopez, Aurore Sabouraud-Séguin, Louis Jehel

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