« Si un individu s’expose avec sincérité, tout le monde, plus ou moins, se trouve mis en jeu. Impossible de faire la lumière sur sa vie sans éclairer, ici ou là, celles des autres »
Simone de Beauvoir – La force de l’âge
« L’information est le seul bien qu’on puisse donner à quelqu’un sans s'en déposséder. »
Thomas Jefferson,
l’un des rédacteurs de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis,

De l'esprit des lois (1748)

Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.
Charles de Secondat, baron de Montesquieu

10 novembre 2000

Les quatre dimensions de l'inceste par Vincent Laupies

Les quatre dimensions de l'inceste. Compréhension factuelle, psychique, systémique et éthique, approche intégrative de la thérapie chez l'adulte
Broché
Paru le : 10/11/2000
Editeur : L'Harmattan
ISBN : 2-7384-9554-0
EAN : 9782738495549
Nb. de pages : 235 pages
Poids : 335 g
Dimensions : 13,5cm x 21,5cm x 1,9cm
Ce livre propose une compréhension de l'émergence et des impacts de l'inceste à partir des apports de la psychanalyse, de l'hypnose, des thérapies centrées sur la solution, de la systémique et de la thérapie contextuelle.
A partir de ces notions, l'auteur propose des points de repères pour le travail thérapeutique ou social avec les adultes victimes d'inceste dans leur enfance. Ces réflexions sont éclairées par des exemples cliniques. Les éléments théoriques sont présentés sous forme de fiches, dans le but de s'adapter aux connaissances préalables du lecteur.
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9 novembre 2000

Film – Diamond Hill - inceste frère sœur - Chinois

Diamond Hill
Hong Kong (English title)
Fa guang dan tou Hong Kong (Mandarin title)
Réalisateur :
Cheang Pou-Soi
Realease date :
9 November 2000 (Hong Kong)

La pureté d’un sentiment aussi puissant que l’amour qui unit une sœur à son frère semblait être une chose difficilement abordable cinématographiquement, jusqu’à Diamond Hill...

May et son frère sont deux enfants inséparables. Seuls après le suicide de leur père, ils se retrouvent placés en orphelinat, jusqu’au jour où la petite fille est adoptée par un couple. Séparée de son frère, elle va tout faire pour tenter de le garder près d’elle...

...par où commencer ?... Diamond Hill est une œuvre unique ; poème visuel d’une rare beauté, cet étrange conte filmé par Cheang Pou-Soi est peut-être l’un des plus beaux films hongkongais qu’il m’ait été donné de voir, de par sa simplicité d’une part, et de par son avant-gardisme graphique d’autre part. Mélangeant audacieusement - mais également pour des questions de budget - 35mm et Vidéo numérique, il nous entraîne dans un double univers, où passé et présent se mêlent dans un ballet onirique et réaliste à la fois, et où la fiction fantasmagorique semble côtoyer un quotidien qui n’est que trop "quotidien"...

...difficile de parler d’un film basé sur l’attente de deux enfants, sur un espoir nourri par un rêve commun ; l’espoir d’un amour concrétisé en une union parfaite... parfaite ? Non malheureusement, car l’enfance, état tristement (et volontairement) éphémère pour un trop grand nombre n’a pas sa place dans une société où le rêve a disparu. La recherche, ou plutôt la fabrication d’un monde parallèle, semble être le but de nos deux enfants affublés de leurs carcasses d’adultes, bien trop lourdes à porter, physiquement et psychologiquement parlant. Ces enfants qui vécurent jusqu’à leur "séparation" à Diamond Hill, y recherchent un diamant depuis leur plus jeune âge ; métaphore d’un bonheur difficile à trouver et pourtant si proche dans leurs esprits... un diamant, un morceau de verre ; quelle importance au fond, l’important étant de croire...

Quatrième des cinq films réalisés par Cheang Pou-Soi (Beach Girl /1999, Horror Hotline... Big Head Monster /2001) qui en est également le scénariste, Diamond Hill est donc un film non identifié au sein de l’industrie locale ; inclassable, émouvant, troublant, les adjectifs ne manquent pas pour le définir. Inutile de parler de la distribution, parfaite, y compris Carrie Ng (City on Fire, Gunmen, Naked Killer) dans le rôle inattendu de la mère adoptive de la jeune May... sans compter une musique envoûtante signée Tommy Wai Kai-Leung, à qui l’on doit notamment la partition de Time & Tide (Tsui Hark /2000).

Œuvre dure à bien des égards qui n’hésite pas à esquisser des sujets délicats (l’inceste ?), Diamond Hill reste malgré tout d’une grande pudeur, vis à vis des ses héros, mais également de ses spectateurs ; une pudeur qui ne fait qu’accentuer le côté lyrique du film, un lyrisme dépouillé, pour que n’en subsiste qu’une chose, la beauté formelle d’un sentiment pur...

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1 juin 2000

6/ Inceste pas nommer par le législateur par Dominique Vrignaud dans De L'inceste

Les comptes de l’inceste ordinaire

Dominique Vrignaud

Juge pour enfants au Tribunal de grande instance de Lille

Page 141

En refusant de nommer l'inceste, le législateur laisse au juge le soin de faire coller l'ordre juridique à l'ordre moral et culturel.

De fait, une pénétration sexuelle commise par le père sur sa fille mineure n'est constitutive de viol qu'en cas de menace, contrainte, violence ou surprise. En l'absence de ces circonstances, seule l'atteinte sexuelle pourrait être constituée.

Faut-il que le juge se prononce sur la contrainte que constituerait la relation affective, éducative, sociale et matérielle existant entre le père et sa fille, pour poursuivre et sanctionner du chef de viol ?

De même, la répression liée à la seule ascendance (en termes d'emprise) de l'auteur sur le mineur ou sur le majeur ne prend pas en compte la notion d'inceste dans le cas d'agressions sexuelles commises par le descendant sur l'ascendant victime.

Si, comme nous l'avons vu, le législateur s'est refusé à gérer l'ordre moral et culturel et à s'immiscer dans le fonctionnement familial, néanmoins son intrusion s'est au fil des ans considérablement accentuée.

C'est d'ailleurs souvent au nom de l'enfant et de son intérêt que cette intrusion s'est opérée. En ma qualité de juge des enfants, ce serait ignorer la nature de ma fonction que de l'oublier, dans la mesure où celle-ci trouve son essence dans le contrôle même des conditions d'éducation faites à l'enfant par le ou les détenteurs de l'autorité parentale.

Sans entrer dans une description fastidieuse de la fonction de juge des enfants, il me paraît important, pour mieux appréhender comment la justice, et notamment celle des mineurs, peut intervenir dans l'inceste, de souligner que le juge des enfants, ainsi que l'enfant lui-même, se trouvent à l'interface du droit pénal et du droit civil.

En effet, le juge des enfants n'intervient pas en raison de l'existence de relations sexuelles entre l'enfant et un membre de son entourage, ou encore d'une atteinte à son intégrité, mais en raison d'un postulat non énoncé de façon claire ou légale : la situation incestueuse à laquelle est confronté l'enfant ou dans laquelle il est impliqué, constitue un danger grave, réel et certain pour son développement. Le juge des enfants trouve de fait sa compétence, selon les articles 375 et suivants du code civil, dans le champ de l'exercice de l'autorité parentale au cas où ce dernier ne serait pas de nature à permettre un développement ou une évolution de l'enfant conformes à l'intérêt et aux droits de celui-ci.

Saisi le plus souvent par le procureur de la République au nom de la notion de danger, il appartient tout d'abord au juge des enfants de localiser dans le temps et l'espace ce danger, puis de mettre en œuvre, si nécessaire, dans le champ de l'autorité parentale, les mesures adaptées. Les décisions qu'il prend au cours de la procédure sont donc à la fois des sanctions négatives (ce qui se passe est insupportable, dangereux pour l'enfant, vous ne pouvez faire cela, etc.), et positives (il y a eu des changements, ce que vous faites est conforme au droit de votre enfant, etc.). La justice des enfants, en matière d'assistance éducative, reste fondamentalement une justice négociée, une justice dynamique (en ce qu'elle prend en compte le temps et le changement), et une justice réparatrice.

Cependant, le législateur n'ayant jamais indiqué ou signifié quels étaient les éléments caractérisant le danger, les abus sexuels ne sont constitutifs de danger qu'au travers d'une construction jurisprudentielle issue de l'état de la société à un moment donné et des sciences de l'enfant au même moment.

Je voudrais, au travers de quelques cas, montrer la gravité des risques existants, exposer quelques caractéristiques de ces situations, mais également aborder la nécessité, face à un problème nouveau, d'inventer de nouvelles réponses judiciaires.

La situation incestueuse à laquelle est confronté un enfant est-elle synonyme de danger au sens juridique du terme?

Avant de répondre directement à cette question, il faut être convaincu qu'il est nécessaire et parfois suffisant de la poser. Force est pourtant de constater – et ce de manière fréquente – que tous les professionnels émettent de grandes réticentes à se la poser.

Combien de fois la famille n'a-t-elle pas été un agent absolutoire ou banalisateur du crime ou du délit commis ?

L'opinion publique, par exemple, ne s'émeut jamais vraiment des cas d'enfants tués ou violés en famille... « Peut -être, comme l'écrit Van Marcke, le tabou de l'inceste est-il pour notre culture et notre société à la fois une menace et une confirmation de leurs fondements. Étant les agents de notre culture, nous condamnerons l'inceste et du même coup nous tenterons de réparer ces fondements : la famille, notre famille. »

De même, combien de fois n'entend-on pas tel ou tel exprimer ses réticences sur les conséquences d'une révélation ?

Que signifient, en fait, ces interrogations de professionnels qui préfèrent dénoncer les effets néfastes de la divulgation de l'inceste plutôt que ceux de l'inceste lui-même ?

On se réfugie à l'abri du secret professionnel (repère ou repaire, pour A. Garapon), si souvent évoqué par les professionnels et si rarement par le citoyen, alors même que la notion de secret reste un élément fondamental de la situation incestueuse, où garder le secret, c'est limiter les échanges, les recours, et donc favoriser, voire pérenniser l'inceste.

Poser la question, se poser la question de l'existence d'un danger pour l'enfant, reste sans doute la première réponse, dans la mesure où cela oblige à sortir du cadre et à se référer à d'autres normes, d'autres lois que celles qui existent au sein de la famille. La principale caractéristique de la famille incestueuse est en effet son isolement, voire son enfermement (l'enfer-me-ment) en elle-même.

Le système « législatif » qui y règne n'est plus inscrit dans le système des autres règles; il n'y a plus de loi supérieure, fût-elle celle de l'inceste. N'est-ce pas d'ailleurs le plus souvent le « chef de famille » – demi-dieu ou souverain – qui, pour permettre la survie de sa famille, a aménagé la prohibition ? Dans la famille incestueuse, la fonction paternelle est toujours défaillante. Elle est remplacée par celle du « maître », lequel n'est plus ni le père, ni l'homme, ni l'époux, ni le compagnon.

En fait, poser la question du danger à une autorité extérieure, et pourquoi pas à la justice, est une nécessité absolue. Cette nécessité étant reconnue et admise, l'inceste est-il toujours significatif de dangers graves pour l'enfant ? Il suffit de décrire les symptômes objectifs présentés par les mineurs, ou même par les adultes confrontés à cette situation, pour s'en convaincre.

Cependant, la notion de danger ne réside pas seulement dans l'existence objective de ces symptômes ou dans les atteintes physiques ou affectives, mais également et surtout dans l'altération majeure opérée dans le continuum de la vie de l'enfant. Des phrases comme « on a confisqué, volé mon enfance » ou des formules comme « l'enfant inceste-tué » ne sont pas vaines, elles' traduisent cette abolition ou, mieux, cette négation d'un état de transition, de passage. L'enfant, dans son statut, sa fonction est « phagocyté ».

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Autres billets sur le livre De l'inceste par Françoise Héritier, Boris Cyrulnik et Aldo Naouri, Domnique Vrignaud & Margarita Xanthalou
1/ De l'inceste par Françoise Héritier, Boris Cyrulnik et Aldo Naouri
2/ Dorothée Dussy sur De l'inceste de Françoise Héritier
4/ Françoise Héritier et le principe de non-cumul de l’identique
5/ Docteur Aldo Naouri, vous êtes dangereusement irresponsable
Autres billets par Françoise Héritier
De l'inceste par Françoise Héritier, Boris Cyrulnik et Aldo Naouri


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3/ Définition de l'inceste par Aldo Naouri dans De l'inceste

Un inceste sans passage à l'acte : la relation mère-enfant
par Aldo Naouri
Page 109

J'ai relevé que dans son sens courant actuel, le mot « inceste » dérive du latin incestum qui veut dire strictement « sacrilège ». Incestum dérive lui même de incestus qui signifie « impur, souillé ». Lequel incestus est forgé sur le in privatif et cestus déformation de castus qui signifie « chaste, pur ». Si bien que incestus aurait aussi le sens de « non chaste ». On imagine volontiers ce que cela a eu à voir avec le cortège d'interdits faits aux prêtres et aux vestales.
Il s'avère cependant que le même castus
s'est rapidement et curieusement confondu dans l'évolution de la langue avec cas sus qui signifie « vide, exempt de », jusqu'à le supplanter comme supin du verbe careo, « je manque ».
Il n'y aurait donc aucun abus à traduire incestus par « à qui rien ne manque » et rapprocher ce sens du désir de toute mère que son enfant ne « manque de rien ».

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26 avril 2000

Film TV – La fille préférée de Caroline Bottaro – 2000

Director : Lou Jeunet
Writers : Caroline Bottaro
Release Date : 26 April 2000
Also Known As : Combats de femme
Runtime : 90 min
Country : France
Company : M6 Métropole Télévision

Médias 26/04/2000 à 23h40
Un zeste d'inceste. La réalisatrice évite le mélo grâce à la force de ses images.
« La fille préférée », téléfilm, M6, 20 h 50.
POTEL Isabelle
La difficulté d'une jeune femme à révéler que son père abusait d'elle quand elle était enfant. Loin d'illustrer un dossier de presse comme c'est souvent le cas avec ce type de sujet lourdement sociétal, Lou Jeunet filme des états. La surdité des proches qui peu à peu se fissure, l'incrédulité paternelle (intéressant Maurice Benichou) se transformant en rage froide, la culpabilité au travail dans le corps d'Agnès qui hésite encore entre parler ou dépérir. Face à ce type de commande, nombre de téléfilms se mettent à la remorque de dialogues préfabriqués et la plupart du temps atrocement naturalistes. Lou Jeunet, forte d'un authentique désir de cinéma, fait confiance à ses images. Pour évoquer l'ambiguïté vertigineuse d'un amour paternel virant à la prise de possession sexuelle, la réalisatrice incorpore à son film un autre film, images vidéo tournées (volées ?) par le père, des années auparavant, où l'on voit Agnès au cours de danse : remontée du temps qui permet de traquer les gestes d'une enfance à son point de bascule, quand la confiance commence à s'effriter sous l'acide d'une peur montante. Pour exprimer la tension d'un esprit emprisonné, la visite d'Agnès aux girafes du zoo de Vincennes, autres élancées captives. Et comme bouée de sauvetage, le thème de Peau d'âne" Le film trouve une passeuse idéale en Laurence Côte, qui met en mouvement une réserve presque effrayante, une détresse sans cris, ni mots, ni haine, une absence de pathos décuplant sa présence. Une silhouette aux contours du fatum qui va pulvériser sa propre famille, une identité charnelle muette et mutante: en train de se débarrasser de sa vieille peau de victime pour devenir sujet. Le mélo est mis hors d'état de nuire, ne reste que le spectacle discret d'une chrysalide en train de devenir papillon.
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11 mars 2000

4/ Savoir écouter la souffrance par Stefan Vanistendael & Jacques Leconte

Page 35
Passer du temps avec autrui, c'est souvent se montrer disponible pour l'écoute, autre facteur essentiel de résilience. 
Certes, il existe une profusion de livres sur les méthodes de communication, sur l'écoute active, etc. Mais aucune technique, si élaborée soit-elle, ne peut se substituer à la finesse, à la sensibilité que requiert l'écoute de l'autre.
La qualité et la sincérité de l'écoute sont particulièrement importantes face à quelqu'un qui a été confronté à une situation traumatisante. Cette personne éprouve en effet souvent deux désirs contradictoires : elle souhaite se confier, raconter le drame qu'elle a vécu, et en même temps, elle n'ose pas le faire, que ce soit par honte, par timidité, par crainte d'importuner son interlocuteur, ou que sais-je encore...
Ainsi, la plupart des rescapés des camps de concentration ont préféré taire leurs souffrances durant des décennies, ce qui n'a pas été sans impact sur leur équilibre psychologique ainsi que sur celui de leurs enfants 12. Les images qu'ils gardaient en mémoire étaient si horribles qu'elles indisposaient leurs interlocteurs, quand elles ne suscitaient pas l'incrédulité.
Comme l'écrit Stanislas Tornkiewicz : « À quoi bon parler puisque personne ne semblait vouloir m'écouter 13 ? »
Au point que Jorge Semprun en est arrivé à penser que le seul moyen de raconter une vérité aussi peu crédible était de la romancer. Pour lui, la vérité essentielle de cette expérience était intransmissible, sinon par l'écriture littéraire 14.

Quant aux victimes de viol et d'inceste, elles sont souvent honteuses d'avoir vécu une telle expérience et choisissent de ne pas en parler. Or, selon certains spécialistes, le silence peut avoir des effets aussi dommageables que l'événement lui-même. En effet, par un processus en retour, les victimes peuvent se dire que si elles ont caché cette expérience, cela prouve bien qu'elle était particulièrement négative et honteuse.

En fait, révéler un secret traumatisant peut s'avérer bénéfique ou néfaste, selon les individus et les circonstances, comme l'a montré une synthèse de recherches réalisée par deux psychologues américains 15.
Sur le versant positif, le fait de se confier diminue les problèmes psychologiques et physiques. Les personnes qui révèlent leurs secrets sont moins souvent dépressives et anxieuses, ont une meilleure estime d'elles-mêmes. Parler de ses soucis permet aussi, le cas échéant, de découvrir une nouvelle perspective sur le problème, au travers du regard différent que porte l'interlocuteur sur la situation. Les confidences ont également des retentissements bénéfiques sur la santé physique. Par exemple, une étude a montré que des femmes atteintes d'un cancer du sein avancé et qui bénéficiaient d'un soutien social ont survécu deux fois plus longtemps (trois ans au lieu d'un an et demi) que d'autres patientes qui n'avaient à leur disposition qu'un groupe de soutien médical classique 16.

Mais les confidences ont aussi leur face sombre. Parler de ses problèmes peut entraîner des conséquences négatives, ce qui expliquerait la discrétion de nombreuses personnes à ce sujet. Tout d'abord, les gens répondent souvent défavorablement à la détresse d'autrui.
Une étude a, par exemple, montré qu'après ne serait-ce qu'un quart d'heure d'interaction, les gens déprimés suscitent anxiété, hostilité et rejet 
chez leurs interlocuteurs.

Une situation de ce type, vécue par l'actrice Anny Duperey, illustre parfaitement cette difficulté à partager sa souffrance. 
Lors d'un tournage, elle ne peut s'empêcher de pleurer au cours de la journée, après avoir revu en rêve la nuit précédente sa mère, morte alors qu'elle-même avait huit ans. À la fin du repas, son voisin de droite, « un homme doux, chaleureux », la questionne gentiment sur ce qui lui arrive. Elle explique alors son long cheminement : dix ans de déni du drame, dix ans encore à ne plus l'ignorer, dix ans enfin pour prendre le stylo et se livrer. L'homme la regarde un moment, puis, très doucement, « presque avec tendresse », il murmure : « Mais... c'est monstrueux. » Après une seconde de surprise, Anny Duperey lui répond : « Oui, tu as trouvé le mot juste : c'est monstrueux 17. »
La discussion aurait pu se 
prolonger, l'homme aurait pu tenter de mieux comprendre le vécu douloureux de son interloctutrice. Mais non, il sent qu'il approche là d'un puits de souffrance dans lequel il craint probablement d'être englouti.
Alors, il s'éloigne d'elle aussi délicatement qu'il s'en est approché. « Un recul intérieur que je perçus immédiatement, bien qu'il restât charmant, échangeant encore quelques phrases avec moi avant de se tourner vers sa voisine de droite. Je ressentais physiquement la distance mentale qu'il avait prise vis-à-vis de moi. Il avait touché quelque chose qui l'avait effrayé et, peut-être dans une certaine mesure, répugné. »

Du coup, Anny Duperey reste seule avec sa souffrance. Et surtout avec 
ce mot : «monstrueux », qui lui semble dès lors caractériser non seulement son comportement mais également sa personnalité profonde. « Quelle nature de brute, de monstre faut-il avoir pour garder ainsi au fond de soi un regret cadenassé, un regret-rempart contre tout abandon véritable, tout sentiment de perte, et s'en faire une force ? »

De toute évidence, ce jour-là, une femme en souffrance aurait malheureusement gagné à se taire, faute de trouver auprès d'elle une oreille véritablement attentive...

Il serait pourtant trop simple de blâmer cet homme. Car la véritable écoute n'est pas chose facile. Elle exige en particulier de reconnaître et de dépasser ses propres démons intérieurs.

Quoi qu'il en soit, la personne qui se confie a besoin de savoir qu'elle ne sera pas jugée et que ses propos ne seront pas colportés, ce qui se produit finalement assez rarement. Par ailleurs, l'écoute exige paradoxalement que nous soyons à la fois alertes et réceptifs. Souvent nous préférons apporter des réponses à notre interlocuteur au lieu de simplement l'écouter. Une réponse, c'est valorisant, c'est sécurisant, surtout pour nous-mêmes. Mais choisir d'écouter véritablement, c'est prendre le risque d'avouer son impuissance et abandonner toute velléité de réponse.

Je me souviens d'un jeune en détresse qui s'est un jour écrié au milieu de personnes censées l'aider : « J'en ai assez de toutes vos réponses ; est-ce qu'il y a ici quelqu'un qui veuille bien m'écouter ? » L'écoute nous invite donc à sortir de notre volonté de maîtrise, à nous abandonner à la vie, sans calcul.
Beaucoup d'entre nous ont vécu cette expérience déconcertante : écouter les problèmes d'un ami sans pouvoir agir. 
Dans une telle circonstance, si nous visons le succès à tout prix, nous ne pouvons qu'être déçus. Or, même dans ce cas, l'écoute recèle beaucoup de sens, comme peuvent en témoigner tant de gens qui en ont profité. Il nous faut alors humblement accepter que le succès cède la place au sens.

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12.
N. Zad je, Enfants de survivants. La transmission du traumatisme chez les enfants des juifs survivants de l'extermination nazie, Paris, Odile Jacob, 1995. Initialement paru sous le titre SoujJle sur ces morts et qu'ils vivent, Grenoble, La Pensée sauvage, 1993. Pour un témoignage personnel, lire J.-c. Snyders, Drames enfouis, Paris, Bµchet-Chastel, 1996.

13
. S. Tomkiewicz, L'adolescence volée, Paris, Calmann-Lévy, 1999.

14.
J. Semprun, L'écriture ou la vie, Paris, Gallimard, 1994, p. 35-36.

15.
Anita E. Kelly et Kevin J. McKillop, «Consequences of revealing personal secrets», Psychological Bulletin, novembre 1996, vol. 120, n° 3, p. 450-465.

16.
D. Spiege et al., Effects of psychosial treatment of patients with metastatic breast cancer, Lancet, 1989,2, p. 888-891.

17. A. Duperey, Je vous écris ... , Paris, Seuil, 1993, p. 69.
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Autres billets sur Le bonheur est toujours possible par Stefan Vanistendael & Jacques Leocnte
1/ Le bonheur est toujours possible. Construire la résilience
2/ Les dangers de la naïveté dans la définition de la résilience par Michel Manciaux en cas de Viols par inceste
3/ L'importance du "tuteur de résilience" après les viols par inceste
5/ L'écriture contre le silence
6/ Les groupes de paroles
7/ Nancy Palmer propose donc une approche non pathologique pour comprendre un itinéraire de résilience
8/ Un cas exceptionnel de résilience : Victor Frankl
9/ Démagogie – Donner un sens à sa souffrance quand on a subi des viols par inceste
10/ Le pardon, une porte ouverte sur l'avenir
11/ Le soutien de la foi dans la résilience
12/ Les stratégies employées par les personnes résilientes
13/ Le déni face à une situation extrême n'a rien de pathologique, mais constitue au contraire le premier temps de l'adaptation par Nicolas Fischer
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Autres billets sur l'écoute de la souffrance
10/ Mais qui aura été disponible à une écoute inlassable et mortelle par Jorge Semprun ?
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3/ L'importance du "tuteur de résilience" après les viols par inceste

« Qui me donne une place dans la vie ? »
Page 32
Le besoin de se sentir accepté, reconnu n'est pas spécifique de l'enfant. Les adultes l'éprouvent également, et les rares qui choisissent de le nier font souvent preuve d'une personnalité dure ou desséchée, et s'enferment dans leur autosuffisance.
À cet égard, les nombreux travaux menés depuis une trentaine d'années sur le thème du « soutien social » apportent des informations intéressantes 8. Ce terme désigne une variété de formes d'aide que l'individu peut mobiliser, le cas échéant, pour faire face aux difficultés de la vie. Il y a certes l'aide matérielle et les services, mais aussi les marques d'affection, les conseils, le renforcement de l'estime de soi et du sentiment d'appartenance à un groupe.

Ces études montrent qu'il y a un lien direct entre la présence d'un soutien social efficace et l'équilibre psychologique d'une personne. C'est d'ailleurs la qualité plus que la quantité qui compte dans ce domaine, la présence d'un partenaire compréhensif étant fréquemment la principale source de résilience.

Deux psychologues, Lanae Valentine et Leslie L. Feinauer, ont ainsi interrogé des femmes qui avaient été sexuellement abusées dans leur enfance et qui avaient malgré tout réussi à mener une vie relativement normale 9. Pour beaucoup d'entre elles, la rencontre avec un partenaire qui les accepte avec leur histoire jouait un rôle fondamental dans cette reconstruction de leur vie. Par exemple, disait l'une d'elles, « mon mariage a été la décision la plus importante de ma vie. Avoir quelqu'un qui croit en moi a fait toute la différence 10. »
De même, une enquête intitulée « Briser le cercle de la maltraitance 11 » montre que les mères ayant subi des sévices graves pendant leur enfance et qui ne reproduisent pas le comportement de leurs parents ont bénéficié nettement plus souvent d'un soutien affectif de la part d'un adulte non maltraitant pendant leur enfance, et ont aussi plus souvent des relations satisfaisantes avec un conjoint. Par ailleurs, elles reconnaissent les effets que la maltraitance parentale ont eus sur elles, et les risques potentiels que cela peut entraîner sur leurs propres comportements en tant que mères.

8. Voir notamment les synthèses dans M. Tousignant, Les origines sociales et 
culturelles des troubles psychologiques, Paris, PUF, 1992, chap. 3, et J. C. Coyne et 
G. Downey, «Social factors and psychopathology: stress, social support, and coping 
process», Annual Review of Psychology, 1991, n° 42, p. 401-425.
9. L. Valentine et L. Feinauer, «Resilience factors associated with female survivors of childhood sexual abuse», The American Journal of Family Therapy, 1993, 
vol. 21, n° 3, p. 216-224.
10. Ibid., p. 218.
11. B. Egeland, D. Jacobvitz et A. Sroufe, «Breaking the cycle of abuse», Child 
Development, 1988, vol. 59, p. 1080-1088.
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1 mars 2000

6/ Les groupes de paroles par Stefan Vanistendael & Jacques Leconte

Page 60
Une manière originale de catalyser les ressources propres des individus consiste à organiser des groupes d'entraide.
Comme nous l'avons noté au chapitre précédent, les personnes souffrant de traumatismes importants (attentat, maladie grave, viol, etc.) ont souvent beaucoup de difficultés à parler de leur drame, par peur de ne pas être véritablement écoutées et comprises.
C'est ce constat qui a conduit à la création de groupes de soutien par les victimes elles-mêmes. Réaliser qu'elles ne sont pas seules, se sentir vraiment comprises et découvrir qu'elles peuvent même aider d'autres personnes peut donner à ces victimes la reconnaissance qu'elles n'auraient pas eue sans une telle expérience. Cela peut également les inciter à se projeter à nouveau dans l'avenir.

Cependant, une telle expérience présente en même temps des risques. En effet, ressasser à plusieurs les problèmes des uns et des autres peut tout aussi bien conduire certains à un état dépressif plus important encore.
Un cercle vicieux peut alors s'instaurer : les gens se sentent plus à l'aise pour parler de leurs problèmes, ce qui augmente leur tristesse, laquelle les incite à en parler encore plus, etc.

Dès lors, comment les victimes peuvent-elles s'aider mutuellement sans se nuire ? L'apport des professionnels apparaît ici crucial. Dan Coates et Tina Winston, deux psychologues de l'université du Wisconsin, ont rassemblé diverses études sur l'impact de ces groupes de soutien 12. 

L'impression générale qui se dégage de cette enquête est que ces groupes sont bénéfiques lorsque ce sont les personnes elles-mêmes qui s'aident mutuellement. Mais en même temps, les professionnels sont particulièrement utiles pour réguler les manifestations au sein du groupe et faire évoluer 
celui-ci. Les auteurs soulignent ainsi que « les groupes de soutien avec des professionnels de la santé mentale comme facilitateurs favorisent une amélioration significative de la santé mentale des victimes, l'essentiel de cette amélioration étant dû à l'impact bénéfique des victimes les unes sur les 
autres ».
Tandis que les groupes de soutien non conduits par des professionnels de la santé mentale paraissent peu efficaces pour lutter contre la dépression. Il semble donc, que les professionnels assurent un rôle de « recadrage » de la discussion, permettant ainsi aux membres du groupe de ne pas tomber dans l'autoflagellation ou la complainte collective.

Parmi ces recherches, deux études ont montré que des patients cancéreux participant à un groupe de soutien organisé par des psychiatres ou des travailleurs sociaux arrivaient à vaincre leur dépression plus rapidement que d'autres malades ne bénéficiant pas de ce type d'intervention. L'une de ces études a également montré que l'estime de soi était plus élevée chez les patients participant au groupe de soutien.
12, D. Coates et T. Winston, "Counteracting the deviance or depression: peer support groups for victims", Journal of Social Issues, 1983, vol. 39, n° 2, p. 169-194.
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27 janvier 2000

Association Balise la vie - Nord-Pas-de-Calais

Association : CAP 2 (BALISE LA VIE).
No de parution : 20000013

Département (Région) : Pas-de-calais (Nord-Pas-de-Calais)

Lieu parution : Déclaration à la sous-préfecture de Saint-Omer.
Type d'annonce : ASSOCIATION/CREATION

Déclaration à la sous-préfecture de Saint-Omer.
CAP 2 (BALISE LA VIE).
Objet : à la lumière de l’expérience des intervenants des domaines judiciaires, psychologiques et sociaux : la prévention primaire (protéger les enfants et les adolescents d’une éventuelle effraction sexuelle dont ils pourraient être victimes ou auteurs) ;
la prévention secondaire (prévenir l’inscription traumatique et la reproduction transgénérationnelle des effractions sexuelles de manière directe ou indirecte) ;
mettre en place la promotion, la formation, l’organisation d’outils de prévention, d’une part, de thérapie, d’autre part, dans le contexte des agressions sexuelles.
Siège social : 18, place Jehan-d’Aire, 62120 Aire-sur-la-Lys.
Date de la déclaration : 27 janvier 2000.
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