« La prohibition de l’inceste est moins une règle qui interdit d’épouser mère, sœur ou fille, qu’une règle qui oblige à donner mère, sœur ou fille à autrui. C’est la règle du don par excellence. Et c’est bien cet aspect, trop souvent méconnu, qui permet de comprendre son caractère. »
Le législateur connaissait-il cette définition de Claude Levi Strauss (Les structures élémentaires de la parenté, 1949) quand il a validé le texte de la toute récente proposition de loi sur la répression de l’inceste ?
Depuis le 26 janvier, l’inceste a fait son entrée dans les textes de loi, c’est devenu un crime. Nous pourrions dire qu’il a chuté du statut de tabou à celui de crime. La transgression de l’interdit majeur de l’humanité est devenue, sous la plume de notre législateur contemporain, un crime banal. Qu’espère-t-il trouver dans cette triste proposition ?
Sur le plan pénal, osons le dire franchement : rien. En effet les textes précédents pénalisaient la situation d’inceste au même titre que toute autre atteinte, agression, viol sur mineur, la situation d’allié ou d’ascendant constituant de surcroît une circonstance aggravante. Ainsi, la situation particulière de l’atteinte sexuelle que comporte celle d’inceste était déjà criminalisée, reconnue comme telle et donc puni fermement (20% des Arrêts de Cour d’Assises). Que gagnons-nous, si ce n’est pour la député, porteuse de cette proposition, d’y voir son nom attaché ?
Cette loi doit être comprise comme le symptôme de notre temps. Elle révèle trois dimensions qui en disent long sur l’estime, qu’à travers la député initiatrice de ce projet, nos politiques portent à l’humain. La première dimension est le peu de crédit que nos dirigeants actuels accordent à la capacité de nos contemporains, via les institutions qui les représentent et particulièrement la famille, à traiter le vivre ensemble. Cette loi dit implicitement que les transmissions intergénérationnelles des codes fondamentaux seraient altérées.
Quels sont les travaux scientifiques qui l’indiquent ? Aucun.
Derrière cela se profilent d’autres débats, notamment celui sur les nouvelles organisations familiales (familles monoparentales, multiparentales, homoparentales, etc.).
La deuxième dimension est liée à la définition de cet interdit : pourquoi cette loi ne vient-elle pas obliger le don et ne relève t-elle que l’interdit ?
Le don de nos jours aurait-il mauvaise presse ? Le don lié à l’interdit, je le rappelle, fonctionne comme une entrée dans la culture. La dualité du tabou permet à l’humain de passer de l’alliance, qui appartient à la nature, à une ouverture de liaison, qui signifie un mode d’entrée dans la culture par la définition de places (mère, fils, fille, père, etc.) permettant à chacun de se repérer dans une filiation et d’appartenir ainsi à une histoire qui plus tard pourra se parler et donc se transmettre.
La troisième dimension, corollaire des deux autres, est celle transculturelle. La mondialisation dans laquelle nous sommes engagés nécessite une ouverture à d’autres cultures. Cette ouverture suppose précisément la notion de don telle que l’évoque Claude Levi Strauss, ce don qui invite à l’échange, à l’alliance dans le respect absolu des corps, des places générationelles et donc des identités de chacun. Aussi, cette loi, sous couvert de protection accrue des victimes (il n’est pas question du soin aux agresseurs), ne serait-elle qu’une rémanence malvenue et inutile du débat sur l’identité nationale ?
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Depuis le 26 janvier, l’inceste a fait son entrée dans les textes de loi, c’est devenu un crime. Nous pourrions dire qu’il a chuté du statut de tabou à celui de crime. La transgression de l’interdit majeur de l’humanité est devenue, sous la plume de notre législateur contemporain, un crime banal. Qu’espère-t-il trouver dans cette triste proposition ?
Sur le plan pénal, osons le dire franchement : rien. En effet les textes précédents pénalisaient la situation d’inceste au même titre que toute autre atteinte, agression, viol sur mineur, la situation d’allié ou d’ascendant constituant de surcroît une circonstance aggravante. Ainsi, la situation particulière de l’atteinte sexuelle que comporte celle d’inceste était déjà criminalisée, reconnue comme telle et donc puni fermement (20% des Arrêts de Cour d’Assises). Que gagnons-nous, si ce n’est pour la député, porteuse de cette proposition, d’y voir son nom attaché ?
Si de nouveau j’ai employé l’adjectif « triste » déjà employé dans les éditoriaux précédents et issu d’une référence à « Tristes tropiques », c’est que cette proposition vient nous montrer le besoin actuel de matérialiser les interdits, comme si l’humain perdait sa foi dans la valeur symbolique des codes. Il faut du concret et il faut répondre, fut-ce de manière inopportune, comme l’est cette loi, à certaines paroles publiques soutenues par les médias et dont s’empare les politiques pour faire leur publicité personnelle.
Cette loi doit être comprise comme le symptôme de notre temps. Elle révèle trois dimensions qui en disent long sur l’estime, qu’à travers la député initiatrice de ce projet, nos politiques portent à l’humain. La première dimension est le peu de crédit que nos dirigeants actuels accordent à la capacité de nos contemporains, via les institutions qui les représentent et particulièrement la famille, à traiter le vivre ensemble. Cette loi dit implicitement que les transmissions intergénérationnelles des codes fondamentaux seraient altérées.
Quels sont les travaux scientifiques qui l’indiquent ? Aucun.
Derrière cela se profilent d’autres débats, notamment celui sur les nouvelles organisations familiales (familles monoparentales, multiparentales, homoparentales, etc.).
La deuxième dimension est liée à la définition de cet interdit : pourquoi cette loi ne vient-elle pas obliger le don et ne relève t-elle que l’interdit ?
Le don de nos jours aurait-il mauvaise presse ? Le don lié à l’interdit, je le rappelle, fonctionne comme une entrée dans la culture. La dualité du tabou permet à l’humain de passer de l’alliance, qui appartient à la nature, à une ouverture de liaison, qui signifie un mode d’entrée dans la culture par la définition de places (mère, fils, fille, père, etc.) permettant à chacun de se repérer dans une filiation et d’appartenir ainsi à une histoire qui plus tard pourra se parler et donc se transmettre.
La troisième dimension, corollaire des deux autres, est celle transculturelle. La mondialisation dans laquelle nous sommes engagés nécessite une ouverture à d’autres cultures. Cette ouverture suppose précisément la notion de don telle que l’évoque Claude Levi Strauss, ce don qui invite à l’échange, à l’alliance dans le respect absolu des corps, des places générationelles et donc des identités de chacun. Aussi, cette loi, sous couvert de protection accrue des victimes (il n’est pas question du soin aux agresseurs), ne serait-elle qu’une rémanence malvenue et inutile du débat sur l’identité nationale ?
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