Comme ce problème [SUITE ET FIN, PROMIS !] est devenu légèrement obsédant, depuis que d’éminents confrères Ouaibesques l’ont mieux expliqué que moi, pour, sous couvert de diverses louanges de pure forme(1), venir ensuite me ratatiner le cervelet en en tirant des conclusions différentes des miennes, j’exorcise, et, dans le but avoué de me libérer l’esprit pour aller conclure quelques divorces passionnés, reviens ici, je vous le jure de la façon la plus simple possible, sur la gentille énormité que constitue, en tout cas, la modification légale du code pénal relative à l’inceste.
Je sais que chacun aura compris qu’il y en a bien un, de problème (et même une demi-douzaine), et peut-être considérerez-vous que les circonvolutions juridiques autour d’icelui importent peu, au fond : c’est assez exact, mais, outre qu’il n’est pas anodin qu’un délit incestueux soit éventuellement réprimé d’une peine maximale divisée par deux (si j’ai raison), il ne sera pas dit que je me rendisse sans combattre, et les thèses en présence me collent une migraine qui mérite traitement, la non-compréhension d’un raisonnement me terrifiant littéralement, surtout quand c’est le mien –et j’y adhère toujours, mais de façon un peu plus claire désormais– enfin, je crois…
Vous le savez, puisque je sais que vous avez lu et relu l’article sus-cité et l’avez épinglé au plafond au-dessus de votre lit, ma thèse est la suivante : la loi nouvelle venue qualifier l’inceste aurait, en substance, selon moi (bien involontairement nous en sommes tous d’accord, et ce seul fait méritait d’être souligné dans toute son énormité), ramené les peines applicables aux actes qu’elle vise à celles des viols et agressions sexuelles "simples", ce qui, je crois, n’était pas exactement le but recherché…
Là-dessus, voilà que des gens nettement plus intelligents que moi, je le dis sans ironie ni, moins encore, fausse-modestie, exposent à leur tour la problématique, en me couvrant d’Honneurs et de Gloire puisqu’en me citant(2) , mais ce faisant aboutissent à deux solutions, distinctes de la mienne, et proches entre elles.
Par ordre Chronologique, c’est d’abord Jules (de Diner’s Room), qui examine la chose, puis mon illustre quoi que parisien confrère Eolas (de, euh, de Eolas, en fait), dont l’exposé est, je dois le reconnaître, le plus simple à suivre des trois.
Ils sont brillants, c’est usant.
Dès lors, toujours bourré de prétention (malgré mon identité provinciale, ou peut-être à cause d’elle), je souhaite, pour la paix de mon âme, sinon son repos, faire ici une minuscule et humble synthèse de nos théories respectives, lesquelles aboutissent toutes à une constante : le Législateur, notre père à tous, a fait du caca.
Mais non pas par les mêmes voies impénétrables, si vous me passez l’expression, ni avec la même façon de tirer la chasse.
Nous étions tous trois d’accord pour considérer que cette loi ajoutait au code une nouvelle infraction, spécifique –je dis "étions" car je n’en suis plus totalement certain (d’autant que j’ai chopé entretemps un truc qui fait frissonner, pleurer des yeux, suer du front et couler du nez, ce qui n’aide pas– moi, dès qu’on m’oblige à trop penser, ça me fait ça…).
C’était, en tout cas, à partir de là que nous divergions(3) .
Pour Jules, le texte nouveau n’aura en fait aucune portée et restera lettre morte, dans la mesure où il s’agit d’une infraction nouvelle et autonome, et que le législateur a totalement oublié d’en prévoir, oh, un rien : la peine. Or il n’existe pas de délit ou de crime sans peine les réprimant – et je ne pouvais pas me référer à celle du viol simple, puisqu’il s’agit d’une infraction distincte. On en reste donc là, le but du législateur n’est rigoureusement (c’est le mot) pas atteint puisque ce texte est inapplicable et ne constitue en fait rien, et surtout pas une infraction punissable.
Jules m’a tuer. Ou presque…
Là-dessus, j’étais en train de me centrer sur son argumentation, il faut le dire juridiquement séduisante, quand Maître Eolas se pointit(4) et souligna à quel point mon raisonnement était génial, mais qu’il ne serait néanmoins pas prospère, pour la raison suivante, qu’il partageait avec Emmanuelle Allain, qui l’avait écrit sur le Blog Dalloz, que du lourd je vous dis :
" Il ne s’agirait que d’une loi d’affichage, qui ne change rien à l’état du droit, comme le législateur aime tant en faire tout en jurant qu’il va arrêter d’en faire. Il suffira pour cela que la jurisprudence, et en dernier lieu la cour de cassation, décide que l’article 222-31-1 du Code pénal ne prévoyant aucune peine, le mot inceste n’est qu’une décoration ajoutée sur l’intitulé du crime comme la guirlande sur le sapin, qui reste fondamentalement ce qu’il a toujours été : un viol aggravé par la qualité de son auteur."
Eolas m’a tuer itou. Ou presque, aussi…
C’est ça, les confrères, c’est ça, notre grande famille : l’un vous dit que vous avez bien posé le problème, mais que votre solution est juridiquement aberrante, et l’autre vous explique que vous n’êtes juridiquement pas mauvais, mais que ça ne tiendra pas dix secondes…
Ils sont, plus sérieusement, convaincants tous les deux – raison même pour laquelle j’ai décidé de m’obstiner, je suis avocat : c’est lorsqu’on risque d’avoir tort que le "combat"(5) devient intéressant.
Je suis, en effet, finalement convaincu, à la lecture des travaux parlementaires que nous avons tous cités, mais également de la façon dont l’insertion du texte nouveau a été effectuée, que nous nous trouvons face à une situation inédite en droit pénal français, et que nous avons à faire à une infraction qui ne peut pas être classifiée aussi aisément que nous l’avons fait – infraction nouvelle et totalement autonome.
Nous serons également tous d’accord pour dire qu’elle ne constitue pas non plus une simple circonstance aggravante – le principe d’une telle circonstance étant d’aggraver, ce qu’onc ne fait.
Mais bien un concept sui generis(6) , autrement dit un truc hybride, qui n’a pas fini de faire parler de lui si vous voulez mon avis, et que nos Élus, dans leurs travaux, et de leurs propres aveux, réitérés, ont baptisé "surqualification", ce qui n’existait pas jusqu’ici, mais est bien ce que son nom barbare indique : une qualification supplémentaire sur une qualification préexistante.
Ce qui explique, seul, qu’aucune peine spécifique n’ait été prévue – puisque dans l’esprit du Législateur, les peines existaient déjà.
Ce qui explique aussi la volonté constamment affichée dudit législateur de surtout souligner que sa brillante idée n’avait pour but que de créer cette "surqualification"(7) , tout en se référant uniquement aux définitions préexistantes des viol et agression sexuelle… Et à leurs peines respectives.
Ainsi, par exemple, mais de toute façon tous les débats à tous les stades en regorgent, d’exemples (c’est moi qui souligne) :
- merci à Pibo (sous le billet d’Eolas) : " c’est le Sénat qui a introduit le mot "qualifiés" dans la loi. Le texte adopté par les députés en première lecture prévoyait que l’inceste était une circonstance aggravante, au sens des articles 222-24, 222-28, 222-30, 227-26, 227-27 du code pénal. Dans le compte-rendu de la réunion de la commission des lois du Sénat, les modifications rédactionnelles sont justifiées ainsi : "De cette façon, l’inceste défini aux nouveaux articles 222-31-1 et 227-27-2 constituerait une « surqualification pénale », une qualification supplémentaire qui viendrait s’ajouter aux qualifications existantes et permettrait ainsi aux juges de la retenir immédiatement dans les affaires en cours. Une question spécifique serait obligatoirement posée devant la cour d’assises appelée à juger d’une affaire de viol incestueux."
- et merci à K.tasse.trof (sous le même) : "Dans la proposition de loi, je lis : Ensuite, il est nécessaire pour la victime comme pour l’accusé reconnu coupable, et au-delà pour la société, de poser sur l’acte le terme qui lui convient. Mais, précisons qu’il n’est aucunement question d’introduire une hiérarchie entre les infractions d’inceste et de viol ou d’agression sexuelle. C’est pourquoi d’ailleurs, le Titre 1er ne crée pas une nouvelle infraction mais contribue à mieux qualifier celles de viol et d’autres agressions sexuelles. Il n’est donc question que de prendre en compte la réalité et la spécificité de l’inceste. L’auteure en rédigeant la proposition avait écrit Art. 222-32-1. – Sont réputés incestueux… et cela est devenu au Sénat, sur amendement du gouvernement, "qualifié", avec des explications à lire".
J’allais écrire que j’étais obligé de citer les commentateurs des autres, parce que les miens sont sympas, mais que pour les citations et les liens, fume, c’est du belge, débrouille-toi tout seul Mô, mais je m’aperçois que pzkarl, pour contrer mon raisonnement, citait déjà, chez moi, ce passage, mille excuses à lui et des fleurs sur sa route jusqu’à la fin des temps.
On peut également citer, à toute seigneure(8) tout honneur, les termes de l’ultime discours prononcé par la législatrice à l’initiative de tout ceci, le jour même de l’adoption de son bébé : "Le code pénal, dans sa rédaction actuelle, ne réprime pas l’inceste et les agressions sexuelles incestueuses en tant que telles. Le dispositif adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, à l’initiative de la commission, prévoit de consacrer la spécificité de l’inceste en droit pénal, sans aggravation de la peine principale. Le Sénat n’a pas remis en cause la notion de « surqualification » qui se « superposera » à la qualification de crime ou de délit sexuel. Les actes, même commis avant l’entrée en vigueur de la loi, pourront donc être qualifiés d’inceste, ce qui permettra notamment d’en assurer le suivi statistique."
Il faut d’ailleurs lire intégralement cet ultime débat, pour citer, aussi, Monsieur Philippe Vigier(9)) : "Il ne s’agit pas de créer un régime pénal spécifique qui ne serait applicable qu’aux seuls crimes et délits commis postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, mais d’ériger l’inceste en qualification de crime ou de délit sexuel. Ainsi, mes chers collègues, un viol incestueux pourra désormais être reconnu comme tel par la justice. La qualification « incestueux » ou « incestueuse » viendra se superposer aux notions de viol ou d’agression sexuelle, sans pour autant durcir la peine principale qui pourra être prononcée par les juridictions pénales dès l’entrée en vigueur de ce texte – y compris pour des crimes commis antérieurement à sa publication."
Bref, comme le disait souvent le regretté philosophe humaniste Georges Marchais :"Ben là, j’crois qu’c'est clair".
Je n’ai pas connaissance qu’un tel concept existât auparavant, il s’agit bien d’une première, calamiteuse, certes, mais inédite.
C’est d’ailleurs exactement, je crois, ce que considérait E. Allain dans l’article Dalloz précité :"Et, bien au contraire, les choses se compliquent singulièrement quand on tente de déterminer la nature juridique de cet inceste-là. Une chose est sûre, ce n’est pas une circonstance aggravante puisqu’aucune aggravation de peine n’est liée à cette « qualification ». Ce n’est pas non plus une infraction puisqu’aucune peine particulière n’est encourue et que l’inceste, ici, ne fait que s’ajouter à des infractions existantes. Cet inceste pourrait être qualifié d’« incrimination de l’incrimination » ou de « sur-qualification » (puisque l’inceste doit quand même faire l’objet d’une question spéciale devant la cour d’assises [nouvel alinéa de l’art. 356 c. pr. pén.]). Mais quel que soit le nom qui sera donné à ce concept il me semble que l’on peut dire qu’il est nouveau en ce sens qu’il n’a pas d’impact juridique pénal concret (puisque dépourvu de sanction particulière), il a juste pour vocation un impact symbolique et sociétal.", conclusion reprise par mon superbe confrère Eolas.
Sauf que…
Sauf que, et que Thémis me foudroie si ça ne me coûte pas un bras, je ne peux pas plussoyer Eolas ou Emmanuelle Allain lorsqu’ils parlent d’une "simple décoration" ajoutée par ce texte au viol aggravé.
Parce que, et c’est un élément qui ne m’avait pas sauté aux yeux jusqu’ici, on ne lit jamais assez les textes, alors même au surplus que celui-ci a fait couler moult encre, y compris dans mes propres commentaires(10), ce texte ne fait pas que reprendre les circonstances aggravantes préexistantes d’ascendance de l’auteur et de minorité de la victime : il AJOUTE de nouvelles circonstances, qui n’étaient pas visées par les anciennes circonstances aggravantes (la fameuse sœur, un membre même éloigné et même non biologique de la famille, autre sujet de discussions un peu partout…) : il ne s’agit dès lors pas uniquement d’habillage d’infractions existantes, mais bien également d’extension d’icelles…
Et que je ne plussoie pas totalement Jules non plus, vous le verrez plus bas, lorsqu’il écarte totalement toute référence à la volonté du Législateur pour dénier aux textes nouveaux toute portée pénale.
Je ne peux pas croire que le Législateur (Que Thèmis lui fasse fondre la Crème de Sagesse sur le chef) , même s’il doit lui aussi lui arriver de boire pour oublier, ait pu, autrement que volontairement, choisir d’ajouter ce texte comme il l’a fait, à la fois dans un paragraphe 3 de la section consacrée aux atteintes sexuelles, dont les deux premiers sont le viol et les agressions sexuelles, sans vouloir en faire une infraction distincte, mais en même temps sans en prévoir explicitement de peine – je pense que le législateur a fait de lointaines études de droit, et sait parfaitement qu’aucune infraction n’existe sans peine – s’il n’était pas persuadé de renvoyer aux peines prévues pour les infractions simples.
Je pense qu’à défaut, si le législateur avait voulu "seulement" aggraver ce type de viol, il l’aurait mentionné, dans la même forme, mais au titre des circonstances aggravantes, ce qui pouvait par exemple très simplement donner exactement le même article, mais avec une phrase en plus, genre :
" Les viols incestueux sont punis de la peine de 20 ans de réclusion criminelle ( celle prévue pour les viols aggravés) ; les agressions sexuelles incestueuses sont punies de la peine de dix ans d’emprisonnement (prévue pour les agressions sexuelles aggravées par deux circonstances)", par exemple.
Bref, j’avais dit court et simple et c’est finalement à nouveau long et chiant, désolé, je m’active : il n’est en un mot pas douteux que le législateur ait en réalité voulu sa fameuse surqualification, laquelle ne se définit ni comme une liste supplémentaire de circonstances aggravantes, ni comme une infraction totalement autonome, en ce qu’elle renvoie expressément aux viol et agression sexuelle, qu’elle "qualifie" spécialement.
L’impressionnant Jules écrivait (comme je l’avais fait moi même en répondant à un commentaire, attention, hein, faut pas me prendre pour un imbécile non plus) cependant, à juste titre : "Pas si vite : ce n’est pas parce que le législateur poursuit un objectif qu’il le réalise. Et en matière pénale, la lecture stricte des textes s’impose."
C’est vrai, en ce sens que le Législateur peut avoir souhaité instaurer la surqualification dans la code pénal, rien que ça, mais qu’il peut parfaitement l’avoir fait de façon inapplicable, sa thèse, ou contraire au but poursuivi, la mienne.
Mais, selon moi, la volonté du législateur, telle qu’elle ressort des débats précités, n’est tout de même pas totalement indifférente, en droit, à la solution du problème -c’est en cela que j’entends contrer respectueusement les raisonnements de Jules et d’Eolas.
Il n’en demeure pas moins, en effet, que nous nous trouvons, du fait de la particulièrement mauvaise rédaction de ce texte, face à une difficulté d’interprétation évidente, deux chefs de poursuite distincts visant, en grande première mondiale, notamment même si pas seulement, la même situation, celle du viol ou de l’agression sexuelle commis par un ascendant sur un enfant mineur.
Or, nous avons tous cité le grand principe bien connu de l’interprétation stricte de la loi pénale, posé par l’article 111-4 du Code Pénal, et dont la jurisprudence, coquette à l’époque, donnait comme traduction en 1898 qu’"en matière pénale, tout est de droit étroit".
En application de ce texte, si donc "la définition légale des infractions s’impose aux juges", en revanche "face à une imprécision de la loi pénale, il convient de l’interpréter à la lueur des principes généraux du droit et des débats parlementaires qui ont précédé le vote"…(11) .
S’est déduit par ailleurs également de ce principe que "le juge doit examiner les faits qui lui sont soumis sous l’incrimination qui leur est spécialement applicable", et "doit restituer leur exacte qualification aux faits qui leur sont soumis"…
Donc ?
Donc, toujours selon moi, plongés dans un abîme de perplexité face à la double qualification des faits dont ils seront saisis, les juges du fond auront l’obligation légale, ayant celle de les qualifier le plus précisément et spécialement possible, de les qualifier de "viol (ou agression sexuelle) incestueux", et d’une.
Ce faisant, ils seront nécessairement confrontés à un problème d’interprétation du nouveau texte 222-31-1, qu’ils auront donc nécessairement dû retenir, en ce qu’il ne prévoit pas expressément sa propre peine (ce qui n’en fait pas un texte illégal : le principe de la légalité des peines veut que la Loi prévoie une peine, pas obligatoirement le texte concerné, qui peut parfaitement renvoyer à un autre texte édictant la peine, c’est très fréquent -sauf que d’habitude, il procède expressément à ce renvoi), et cette nécessaire interprétation les conduira obligatoirement à se référer à la volonté du Législateur, telle qu’elle exsude de chacune des pages précités : surqualification, on voulait ajouter le mot "incestueux" mais seulement lui, en se référant bien aux viol et agression sexuelle pour la peine, expressément -l’issue de l’interprétation ne me semble pas douteuse, les juges devront dire que les peines applicables aux dites infractions de viol (agression sexuelle) incestueux sont celles prévues pour les viols et agressions sexuelles tout court -je ne vois pas comment ils feraient autrement, la volonté législative, contrairement à sa plume, est sans la moindre ambiguïté sur ce point. Et de deux.
Je vois d’autant moins comment il fera autrement qu’il ne faut pas oublier l’article 222-22, liminaire à cette Section du Code, et sa mention : "Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section…"
Et que l’inceste figure bien dans cette même section. Et de deux bis.
Dès lors, l’auteur d’un viol incestueux encourra quinze ans de réclusion, comme celui d’un viol simple, et celui d’agressions sexuelles incestueuses encourra cinq ans d’emprisonnement, comme celui d’agressions sexuelles simples.
Parce qu’en vertu toujours de l’interprétation stricte de la loi pénale, et cette fois en l’absence de la moindre ambiguïté laissant place à une quelconque interprétation (qui d’ailleurs, même si elle était requise, ne pourrait conduire qu’à la même solution en vertu des principes généraux du droit), il demeure strictement impossible de poursuivre quelqu’un en visant des circonstances aggravantes (ici, minorité de la victime, ascendance de l’auteur) qui sont également des éléments constitutifs de l’infraction : aucun juge ne pourra reconnaître Marcel coupable de viol incestueux aggravé par le fait qu’il était le père de la victime et qu’elle était mineure lors des faits, mais le reconnaîtra "seulement" coupable de "viol incestueux", dont la définition est, ici, qu’il a été commis par un père sur sa fille mineure. Et de trois.
Peu importe, pour cette dernière partie du raisonnement, que le législateur n’ait pas voulu cette conséquence : il n’y a cette fois pas à s’y référer, le texte est clair, c’est une définition, et aucune place n’est laissée à interprétation, souvenez vous : "la définition légale des infractions s’impose au juge".
Voilà.
Cette fois, comme disent les mauvais avocats, "j’en aurai terminé de mes explications"(12) .
J’ai conscience du caractère fastidieux d’icelles, mais réellement, j’avais besoin de me sortir le problème du cerveau -de la discussion jaillit parfois la lumière, mais parfois pas tout de suite, et pas à tous les étages !
J’ai grand hâte, en tout cas, d’avoir à me pencher in concreto sur l’application de ce texte, dans la vraie vie. Euh… En tant qu’avocat de la défense, en tout cas.
Parce que les victimes, là-dedans…
Au mieux, tout ce tintouin n’aura servi à rien, au pire il les aura desservies.
Et si, ami Législateur (que Thémis lui paralyse les doigts pendant dix ans au moins), le véritable service à rendre aux victimes n’était pas de ne plus rien créer, du tout – et de voter en revanche une augmentation massive du budget judiciaire ?
Vous savez ? L’argent. Le nerf de cette guerre que vous prétendez mener en leur nom. De très loin.
- qui ne sont pas sans rappeler celles du plaideur rendant un hommage sucré aux réquisitions qu’il vient d’entendre, si rigoureuses, si remarquables, si précises, pour s’empresser dans un second temps de les détruire avec fougue et de n’en laisser que cendres… (↩)
- C’était là, les louanges précitées, et je blaguais tout à l’heure : quand vous voulez, les louanges,… (↩)
- Bien que n’étant que trois -cette note est dédiée aux obsédés qui fréquentent mon blog, bien malgré moi. (↩)
- Cette faute est commise exprès et sans aucune raison, ne cherchez pas, j’ai juste eu envie, c’est tout -moi aussi, je pourrais être législateur, si je voulais… (↩)
- Guillemets, car le constat général de marasme est le même, l’opposition ne porte que sur ses conséquences précises, toutes calamiteuses de toute façon (↩)
- C’est du latin, ça signifie "Je suis gêné mais je rigole" (↩)
- Il s’agit d’un terme tellement barbare que mon correcteur d’orthographe intégré ne le connaissait pas, en tout cas pas en un seul mot : c’est pas une preuve, ça ? (↩)
- Vous ai-je déjà dit à quel point la féminisation forcée des mots m’est une horreur, et à quel point je pense qu’au prétexte de plaire aux femmes, on a, c’est un comble, généré des sons laids ? (↩)
- qui est tout sauf un idiot, un collègue s’exclamant lorsqu’il prend la parole : "Il va relever le niveau", ce qui souligne le travail harassant du Législateur (que Thémis lui offre moult coussins molletonnés pour le reposer de ses saillies spirituelles (↩)
- je vous en demande pardon lecteurs vénérés (↩)
- En piètre juriste, je ne vous cite pas les références de ces décisions, c’est laid, et elles sont publiées dans le code Dalloz, toutes. (↩)
- Ça m’agace à chaque fois : si mon confrère se tait et ferme son dossier, je pense que les juges se doutent qu’il a fini et n’envisage pas de faire un Scrabble au milieu de sa plaidoirie ! (↩)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire