La première doléance de ces pères concerne leur insatisfaction conjugale. S'ils revendiquent une hétérosexualité banale, ils réduisent leur épouse à sa fonction maternelle et lui reprochent de ne pas être une assez bonne mère, autant pour l'enfant que pour eux-mêmes… « Pas assez tendre, pas assez attentive, chaleureuse… » La mauvaise entente conjugale les rapproche de l'enfant, « victime » comme eux des « insuffisances » maternelles et s'appuie sur la certitude intuitive qu'ils en sont tous deux victimes. Cette identification projective issue des blessures du narcissisme primaire engendre avec l'enfant un vécu de complicité magique, de complétude inconnue jusque-là et abolit le lien de parenté. L'enfant devient l'objet qui permet au père de se retrouver et de se prouver qu'il a une valeur. Cette valeur ne lui a jamais été reconnue jusque-là.
Faille initiale de son existence, elle l'a bloqué à un stade de développement prégénital. À la différence de l'épouse, sa fille le rassure. L'idéalisation de leur relation dans un néocouple parfaitement pur, désexualisé et merveilleux, s'entretient du mélange des sexes, des générations et de la confusion entre le paternel et le maternel, le masculin et le féminin.
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