Les antécédents de trauma
Une grande majorité de ces sujets a été victime d'agressions dans leur propre enfance : maltraitances sexuelles ou autres carences éducatives et affectives vécues comme des fatalités sur lesquelles ils n'ont pas eu de prise. La plupart n'ont pas fait le lien entre ces premiers traumatismes et l'agression qu'ils commettront plus tard. Il n'y a pas eu de mentalisation de ces traumas, pas de travail de deuil et de cicatrisation, mais une béance identitaire qui s'est ouverte, laissant la place à toutes les répétitions des déviances ultérieures.
Le clivage
L'idéalisation de la relation à l'enfant n'empêche pas la culpabilité de l'inceste et un vécu d'insécurité permanente lié à la peur du dévoilement. Même si l'anormalité de sa relation à sa fille n'est qu'une représentation fugitive, la charge d'angoisse qui y est liée reste mal contenue par le rationalisme morbide de « la tendresse et de la complicité ». Tous les remparts qu'il met en place, il les sait fragiles et incertains. L'impossibilité de s'en libérer fait partie de la nature même de sa pathologie identitaire et autorise à s'interroger sur la fonction de l'inceste comme barrage contre l'effondrement narcissique, ou comme défense contre la dépression anaclitique. L'enfant a fonction d'étayage narcissique et l'acte sexuel est toujours un risque de le voir disparaître, risque qui en rajoute dans son attraction et survalorise les rapprochements incestueux.
La culpabilité
li ne s'agit pourtant pas de sujets psychotiques et la gravité du trouble identitaire ne les exonère pas du réel. Malgré la répétition des actes incestueux, ces pères restent conscients de leur anormalité et de la faute qu'ils commettent. De quelle culpabilité s'agit-il alors pour qu'elle soit si peu opérante ? Cette culpabilité ne paraît fonctionner que dans le seul registre existant chez ces sujets, celui du narcissisme. La culpabilité n'est pas d'avoir fait mal à l'enfant, mais de s'être fait mal à soi-même, d'avoir altéré sa propre image, de pouvoir être assimilé à un pédophile ou à un délinquant sexuel.
Leur fonctionnement infantile se retrouve enfin dans leur rapport à la justice. Tous savaient que l'inceste ne pouvait pas durer et qu'ils finiraient par se faire arrêter. Incapables d'y mettre eux-mêmes un terme, ils attendaient confusément qu'un tiers vienne le faire à leur place, d'où le soulagement provoqué par l'arrestation. L'incarcération vient les déresponsabiliser de l'obligation morale de cesser les relations sexuelles avec leur fille.
Le narcissisme
Dans ce type d'inceste, on ne retrouve pas d'autres scénarios sexuels pervers. La vie fantasmatique est très pauvre. La fluidité associative demeure très limitée sans la moindre fantaisie ou exubérance. Dans ce « désert
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