« Si un individu s’expose avec sincérité, tout le monde, plus ou moins, se trouve mis en jeu. Impossible de faire la lumière sur sa vie sans éclairer, ici ou là, celles des autres »
Simone de Beauvoir – La force de l’âge
« L’information est le seul bien qu’on puisse donner à quelqu’un sans s'en déposséder. »
Thomas Jefferson,
l’un des rédacteurs de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis,

De l'esprit des lois (1748)

Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.
Charles de Secondat, baron de Montesquieu

10 février 2001

2/ La pensée psychiatrique francophone face au concept américain d'état de stress post-traumatique par Michel de Clercq

Le traumatisme psychique dans la pensée psychiatrique francophone par Michel de Clercq
La pensée psychiatrique francophone face au concept américain d'état de stress post-traumatique

C'est d'outre-Atlantique que sont venues les initiatives, avec la constitution du système nosographique américain DSM, en 1952, et ses laborieuses réflexions en 1968 (DSM-II), 1980 (DSM-III), 1987 (DSM-III R) et 1994 (DSM-IV). concernant le traumatisme psychique, c'est le vocable de Gross Stress Reaction qui fut d'abord proposé, dans le DSM-1, pour désigner la réaction psycho-traumatique aiguë. Mais, lors de la révision DSM-II en 1968, le diagnostic de
Gross Stress Reaction fut supprimé, sans remplacement, initiative malencontreuse alors même qu'en pleine offensive du Têt, les GI envoyés au Vietnam subissait les pires affres du stress de combat.

Ce n'est qu'en 1980, avec le DSM-III, que fut introduit le diagnostic de Post- Traumatic Stress Disorder (en abrégé PTSD) pour désigner ce que les anciennes nosographies avaient coutume de dénommer névrose traumatique. cette initiative répondait d'ailleurs à l'afflux croissant, au sein de la population de 3 millions de vétérans américains du Vietnam, des Post-Vietnam Syndromes différés les chroniques qu'une politique de psychiatrie de l'avant simpliste et limitée à la seule sédation des effets immédiats du stress de combat n'avait su ni prévoir ni prévenir.

Ces Post-Vietnam Syndromes étaient en fait des névroses de guerre, mais le DSM qui se veut athéorique récuse le concept de névrose, entaché à ses yeux de connotation freudienne ; et il y substitue celui de stress, sans se rendre compte que ce n'est pas la peine de s'affranchir d'une théorie (psychanalytique) pour se subordonner à une autre (bio-physiologique).

Concernant son champ clinique, le concept de PTSD s'appliquait non seulement aux anciennes névroses de guerre, mais aussi aux séquelles psycho-traumatiques des agressions, des accidents et des catastrophes du temps de paix.

Pour lire la suite de l'article, cliquez sur la couverture du livre.
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Autres billets sur le livre Les traumatismes psychiques par François Lebigot & Michel de Clercq
1/ Les traumatismes psychiques par François Lebigot & Michel de Clercq
3/ Traumatisme psychique et stress
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1/ Les traumatismes psychiques par François Lebigot & Michel de Clercq

Collectif
Broché
Paru le : 10/02/2001
Editeur : Masson
Collection : médecine et psychothérapie
ISBN : 2-294-00021-8
EAN : 9782294000218
Nb. de pages : 384 pages
Poids : 470 g
Dimensions : 13,4cm x 20,9cm x 1,9cm

Accidents de la route, viols, attentats, prises d'otage, maltraitance... autant de catastrophes microsociales et de traumatismes qui nécessitent l'intervention de thérapeutes et la prise en charge des répercussions psychologiques ou psychiatriques. Cet ouvrage, à l'initiative du professeur De Clercq qui a coordonné les différents chapitres, réunit les apports essentiels de vingt-trois cliniciens de premier plan compétents et expérimentés en matière de trauma dont l'objectif est de mettre en évidence de manière scientifique les caractéristiques des conséquences psychiatriques des traumatismes physiques et psychiques et les modalités de prise en charge. Cinq parties articulent ce livre :
* les traumatismes psychiques (historique, épidémiologie) ;
* les conséquences psychologiques et psychiatriques (tableaux cliniques) ;
* les interventions psychiatriques précoces (debriefing psychologique des victimes et des intervenants) ;
* les interventions psychiatriques à long terme (les différents types de prise en charge) ;
* les aspects médico-légaux.

Les auteurs s'intéressent aux victimes, mais aussi aux répercussions chez les intervenants, pompiers, infirmiers, médecins policiers, etc.
Une attention particulière est également portée au traitement des psychotraumatismes de l'enfant. Les approches thérapeutiques tiennent une part primordiale dans l'ouvrage tant au niveau des plans catastrophes et des cellules d'aide médico-psychologique que des démarches mises en place dans les services spécifiques, d'urgence notamment. Cet ouvrage s'adresse principalement aux psychiatres, aux psychologues ainsi qu'aux urgentistes.
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3/ Traumatisme psychique et stress
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10 janvier 2001

Armistead Maupin - Une voix dans la nuit billet publié par Kassineo – USA

Et si l’amour n’avait ni âge, ni tête, ni même aucune autre réalité que celle qui nous tient au cœur ?
Il m’aura fallu un an pour parvenir à me plonger dans un livre de Maupin, de nouveau. Non pas que cet auteur m’ait déçu – impensable ! Les Chroniques de San Francisco étaient d’une telle qualité, en tête de gondole de mon « grand œuvre » favori que la déception avait fini par me murmurer une douce crainte. Et si sorti de ses célèbres chroniques californiennes des années 80, post-hippies et joyeusement déjantées à une époque où Internet n’était qu’un rêve et le sida une légende urbaine, cet auteur magistral ne devenait qu’un scribouillard sur le retour, un vieux qui a refusé de vieillir, une audace devenue alors libidineuse.
Et bien non, que l’on se rassure, Maupin est un grand ! Je n’en ai jamais vraiment douté, il est bon parfois de se concocter de petites frayeurs pour raviver une flamme qui nous consumera aussi sûrement que le soleil brille en ce bel été.
Gabriel Noone est une célébrité, auteur à succès d’un feuilleton radiophonique et de nombreux best-sellers. Mais à son âge avancé, la vie n’est pourtant plus ce qu’elle était. Son couple se brise. Dix ans qu’il vit avec Jess, un beau mâle bien plus jeune que lui pris dans une nouvelle fougue, une seconde jeunesse qui l’éloigne de la grande maison avec un mari et un vieux chien malade dans le jardin, vers de nouvelles aventures mâtinées de cuir et de piercings. Gabriel sait qu’il ne pourra pas refaire sa vie. Alors il s’accroche à sa fin de couple comme à sa soudaine désillusion créatrice : la page reste définitivement blanche. C’est un tout jeune garçon de treize ans, Pete, qui lui sortira la tête de l’eau. Dans le manuscrit rédigé par ce jeune garçon blessé par la vie, Gabriel va découvrir des horreurs qu’il n’aurait auparavant pu imaginer. Mais il y trouve aussi toute la puissance d’un gamin désormais très malade et en mal d’amour, sain, protecteur : paternel. Plus leurs conversations deviennent fréquentes, plus les milliers de kilomètres qui les séparent prennent tout leur sens : Pete existe-t-il vraiment ? N’est-il pas une invention de son énigmatique mère adoptive ? Gabriel est-il le seul à croire et comprendre ce garçon, ou le seul à se laisser prendre au bout du compte dans un jeu de pistes pervers ?
Le nombre de questions que soulève ce chef d’œuvre du maître de la littérature gay égale l’intelligence des réponses qu’il donne ou qu’il nous amène à construire. Peut-on lui reprocher de ne pas donner clairement toutes les issues des nombreux ressorts de son intrigue ? De perdre en quelque sorte le lecteur sur les derniers chapitres ? Non, bien sûr. Car au-delà d’une histoire, il s’agit pour tout un chacun de trouver ses propres réponses, de confronter ses démons et ses certitudes aux vicissitudes du monde des humains.
Toutes les amours sont ici questionnées : l’amour filial et le désamour paternel, l’amour de l’autre comme l’amour de soi, la désillusion sexuelle aussi – l’auteur a incroyablement mûri depuis les Chroniques. Dans un San Francisco qui a perdu son faste et rangé quelques une de ses nombreuses boules à facettes, c’est sous la lumière d’un nouveau projecteur que Maupin nous entraîne dans la vie, dans la tête, d’hommes. Simplement.
Publié par Kassineo
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Une voix dans la nuit/The Night Listener de Armistead Maupin

Broché
Paru le : 10/01/2001
Editeur : Olivier (Editions de l')

ISBN : 2-87929-272-7
EAN : 9782879292724
Nb. de pages : 408 pages
Poids : 450 g
Dimensions : 14,5cm x 22cm x 2,5cm
Auteur d'un feuilleton radiophonique écouté par des millions d'auditeurs, écrivain à succès, Gabriel Noone est une star.
Ce qui ne l'empêche pas de pleurer à chaudes larmes quand Jess, son compagnon, le quitte brutalement. Mais voilà qu'un événement inattendu vient le tirer de sa déprime Pete, un garçon de treize ans porteur d'un lourd secret, fait irruption dans son existence, prenant la place du fils qu'il n'a jamais eu. C'est le début d'une incroyable histoire, où la réalité et l'illusion ne vont cesser de jouer à cache-cache, entraînant Gabriel Noone de plus en plus loin, dans une aventure qui bouleversera sa vie à jamais.
Ambigu, sentimental, ironique, Gabriel Noone est la plus belle invention d'Armistead Maupin, qui nous donne ici un livre très personnel. Roman à suspense, Une voix dans la nuit est aussi un hommage à un genre porté à la perfection par Alfred Hitchcock dans Vertigo.
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Autres billets sur Une voix dans la nuit/The Night Listener
Film : Une voix dans la nuit/The Night Listener
Armistead Maupin - Une voix dans la nuit billet publié par Kassineo
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10 novembre 2000

Les quatre dimensions de l'inceste par Vincent Laupies

Les quatre dimensions de l'inceste. Compréhension factuelle, psychique, systémique et éthique, approche intégrative de la thérapie chez l'adulte
Broché
Paru le : 10/11/2000
Editeur : L'Harmattan
ISBN : 2-7384-9554-0
EAN : 9782738495549
Nb. de pages : 235 pages
Poids : 335 g
Dimensions : 13,5cm x 21,5cm x 1,9cm
Ce livre propose une compréhension de l'émergence et des impacts de l'inceste à partir des apports de la psychanalyse, de l'hypnose, des thérapies centrées sur la solution, de la systémique et de la thérapie contextuelle.
A partir de ces notions, l'auteur propose des points de repères pour le travail thérapeutique ou social avec les adultes victimes d'inceste dans leur enfance. Ces réflexions sont éclairées par des exemples cliniques. Les éléments théoriques sont présentés sous forme de fiches, dans le but de s'adapter aux connaissances préalables du lecteur.
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9 novembre 2000

Film – Diamond Hill - inceste frère sœur - Chinois

Diamond Hill
Hong Kong (English title)
Fa guang dan tou Hong Kong (Mandarin title)
Réalisateur :
Cheang Pou-Soi
Realease date :
9 November 2000 (Hong Kong)

La pureté d’un sentiment aussi puissant que l’amour qui unit une sœur à son frère semblait être une chose difficilement abordable cinématographiquement, jusqu’à Diamond Hill...

May et son frère sont deux enfants inséparables. Seuls après le suicide de leur père, ils se retrouvent placés en orphelinat, jusqu’au jour où la petite fille est adoptée par un couple. Séparée de son frère, elle va tout faire pour tenter de le garder près d’elle...

...par où commencer ?... Diamond Hill est une œuvre unique ; poème visuel d’une rare beauté, cet étrange conte filmé par Cheang Pou-Soi est peut-être l’un des plus beaux films hongkongais qu’il m’ait été donné de voir, de par sa simplicité d’une part, et de par son avant-gardisme graphique d’autre part. Mélangeant audacieusement - mais également pour des questions de budget - 35mm et Vidéo numérique, il nous entraîne dans un double univers, où passé et présent se mêlent dans un ballet onirique et réaliste à la fois, et où la fiction fantasmagorique semble côtoyer un quotidien qui n’est que trop "quotidien"...

...difficile de parler d’un film basé sur l’attente de deux enfants, sur un espoir nourri par un rêve commun ; l’espoir d’un amour concrétisé en une union parfaite... parfaite ? Non malheureusement, car l’enfance, état tristement (et volontairement) éphémère pour un trop grand nombre n’a pas sa place dans une société où le rêve a disparu. La recherche, ou plutôt la fabrication d’un monde parallèle, semble être le but de nos deux enfants affublés de leurs carcasses d’adultes, bien trop lourdes à porter, physiquement et psychologiquement parlant. Ces enfants qui vécurent jusqu’à leur "séparation" à Diamond Hill, y recherchent un diamant depuis leur plus jeune âge ; métaphore d’un bonheur difficile à trouver et pourtant si proche dans leurs esprits... un diamant, un morceau de verre ; quelle importance au fond, l’important étant de croire...

Quatrième des cinq films réalisés par Cheang Pou-Soi (Beach Girl /1999, Horror Hotline... Big Head Monster /2001) qui en est également le scénariste, Diamond Hill est donc un film non identifié au sein de l’industrie locale ; inclassable, émouvant, troublant, les adjectifs ne manquent pas pour le définir. Inutile de parler de la distribution, parfaite, y compris Carrie Ng (City on Fire, Gunmen, Naked Killer) dans le rôle inattendu de la mère adoptive de la jeune May... sans compter une musique envoûtante signée Tommy Wai Kai-Leung, à qui l’on doit notamment la partition de Time & Tide (Tsui Hark /2000).

Œuvre dure à bien des égards qui n’hésite pas à esquisser des sujets délicats (l’inceste ?), Diamond Hill reste malgré tout d’une grande pudeur, vis à vis des ses héros, mais également de ses spectateurs ; une pudeur qui ne fait qu’accentuer le côté lyrique du film, un lyrisme dépouillé, pour que n’en subsiste qu’une chose, la beauté formelle d’un sentiment pur...

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1 juin 2000

6/ Inceste pas nommer par le législateur par Dominique Vrignaud dans De L'inceste

Les comptes de l’inceste ordinaire

Dominique Vrignaud

Juge pour enfants au Tribunal de grande instance de Lille

Page 141

En refusant de nommer l'inceste, le législateur laisse au juge le soin de faire coller l'ordre juridique à l'ordre moral et culturel.

De fait, une pénétration sexuelle commise par le père sur sa fille mineure n'est constitutive de viol qu'en cas de menace, contrainte, violence ou surprise. En l'absence de ces circonstances, seule l'atteinte sexuelle pourrait être constituée.

Faut-il que le juge se prononce sur la contrainte que constituerait la relation affective, éducative, sociale et matérielle existant entre le père et sa fille, pour poursuivre et sanctionner du chef de viol ?

De même, la répression liée à la seule ascendance (en termes d'emprise) de l'auteur sur le mineur ou sur le majeur ne prend pas en compte la notion d'inceste dans le cas d'agressions sexuelles commises par le descendant sur l'ascendant victime.

Si, comme nous l'avons vu, le législateur s'est refusé à gérer l'ordre moral et culturel et à s'immiscer dans le fonctionnement familial, néanmoins son intrusion s'est au fil des ans considérablement accentuée.

C'est d'ailleurs souvent au nom de l'enfant et de son intérêt que cette intrusion s'est opérée. En ma qualité de juge des enfants, ce serait ignorer la nature de ma fonction que de l'oublier, dans la mesure où celle-ci trouve son essence dans le contrôle même des conditions d'éducation faites à l'enfant par le ou les détenteurs de l'autorité parentale.

Sans entrer dans une description fastidieuse de la fonction de juge des enfants, il me paraît important, pour mieux appréhender comment la justice, et notamment celle des mineurs, peut intervenir dans l'inceste, de souligner que le juge des enfants, ainsi que l'enfant lui-même, se trouvent à l'interface du droit pénal et du droit civil.

En effet, le juge des enfants n'intervient pas en raison de l'existence de relations sexuelles entre l'enfant et un membre de son entourage, ou encore d'une atteinte à son intégrité, mais en raison d'un postulat non énoncé de façon claire ou légale : la situation incestueuse à laquelle est confronté l'enfant ou dans laquelle il est impliqué, constitue un danger grave, réel et certain pour son développement. Le juge des enfants trouve de fait sa compétence, selon les articles 375 et suivants du code civil, dans le champ de l'exercice de l'autorité parentale au cas où ce dernier ne serait pas de nature à permettre un développement ou une évolution de l'enfant conformes à l'intérêt et aux droits de celui-ci.

Saisi le plus souvent par le procureur de la République au nom de la notion de danger, il appartient tout d'abord au juge des enfants de localiser dans le temps et l'espace ce danger, puis de mettre en œuvre, si nécessaire, dans le champ de l'autorité parentale, les mesures adaptées. Les décisions qu'il prend au cours de la procédure sont donc à la fois des sanctions négatives (ce qui se passe est insupportable, dangereux pour l'enfant, vous ne pouvez faire cela, etc.), et positives (il y a eu des changements, ce que vous faites est conforme au droit de votre enfant, etc.). La justice des enfants, en matière d'assistance éducative, reste fondamentalement une justice négociée, une justice dynamique (en ce qu'elle prend en compte le temps et le changement), et une justice réparatrice.

Cependant, le législateur n'ayant jamais indiqué ou signifié quels étaient les éléments caractérisant le danger, les abus sexuels ne sont constitutifs de danger qu'au travers d'une construction jurisprudentielle issue de l'état de la société à un moment donné et des sciences de l'enfant au même moment.

Je voudrais, au travers de quelques cas, montrer la gravité des risques existants, exposer quelques caractéristiques de ces situations, mais également aborder la nécessité, face à un problème nouveau, d'inventer de nouvelles réponses judiciaires.

La situation incestueuse à laquelle est confronté un enfant est-elle synonyme de danger au sens juridique du terme?

Avant de répondre directement à cette question, il faut être convaincu qu'il est nécessaire et parfois suffisant de la poser. Force est pourtant de constater – et ce de manière fréquente – que tous les professionnels émettent de grandes réticentes à se la poser.

Combien de fois la famille n'a-t-elle pas été un agent absolutoire ou banalisateur du crime ou du délit commis ?

L'opinion publique, par exemple, ne s'émeut jamais vraiment des cas d'enfants tués ou violés en famille... « Peut -être, comme l'écrit Van Marcke, le tabou de l'inceste est-il pour notre culture et notre société à la fois une menace et une confirmation de leurs fondements. Étant les agents de notre culture, nous condamnerons l'inceste et du même coup nous tenterons de réparer ces fondements : la famille, notre famille. »

De même, combien de fois n'entend-on pas tel ou tel exprimer ses réticences sur les conséquences d'une révélation ?

Que signifient, en fait, ces interrogations de professionnels qui préfèrent dénoncer les effets néfastes de la divulgation de l'inceste plutôt que ceux de l'inceste lui-même ?

On se réfugie à l'abri du secret professionnel (repère ou repaire, pour A. Garapon), si souvent évoqué par les professionnels et si rarement par le citoyen, alors même que la notion de secret reste un élément fondamental de la situation incestueuse, où garder le secret, c'est limiter les échanges, les recours, et donc favoriser, voire pérenniser l'inceste.

Poser la question, se poser la question de l'existence d'un danger pour l'enfant, reste sans doute la première réponse, dans la mesure où cela oblige à sortir du cadre et à se référer à d'autres normes, d'autres lois que celles qui existent au sein de la famille. La principale caractéristique de la famille incestueuse est en effet son isolement, voire son enfermement (l'enfer-me-ment) en elle-même.

Le système « législatif » qui y règne n'est plus inscrit dans le système des autres règles; il n'y a plus de loi supérieure, fût-elle celle de l'inceste. N'est-ce pas d'ailleurs le plus souvent le « chef de famille » – demi-dieu ou souverain – qui, pour permettre la survie de sa famille, a aménagé la prohibition ? Dans la famille incestueuse, la fonction paternelle est toujours défaillante. Elle est remplacée par celle du « maître », lequel n'est plus ni le père, ni l'homme, ni l'époux, ni le compagnon.

En fait, poser la question du danger à une autorité extérieure, et pourquoi pas à la justice, est une nécessité absolue. Cette nécessité étant reconnue et admise, l'inceste est-il toujours significatif de dangers graves pour l'enfant ? Il suffit de décrire les symptômes objectifs présentés par les mineurs, ou même par les adultes confrontés à cette situation, pour s'en convaincre.

Cependant, la notion de danger ne réside pas seulement dans l'existence objective de ces symptômes ou dans les atteintes physiques ou affectives, mais également et surtout dans l'altération majeure opérée dans le continuum de la vie de l'enfant. Des phrases comme « on a confisqué, volé mon enfance » ou des formules comme « l'enfant inceste-tué » ne sont pas vaines, elles' traduisent cette abolition ou, mieux, cette négation d'un état de transition, de passage. L'enfant, dans son statut, sa fonction est « phagocyté ».

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Autres billets sur le livre De l'inceste par Françoise Héritier, Boris Cyrulnik et Aldo Naouri, Domnique Vrignaud & Margarita Xanthalou
1/ De l'inceste par Françoise Héritier, Boris Cyrulnik et Aldo Naouri
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4/ Françoise Héritier et le principe de non-cumul de l’identique
5/ Docteur Aldo Naouri, vous êtes dangereusement irresponsable
Autres billets par Françoise Héritier
De l'inceste par Françoise Héritier, Boris Cyrulnik et Aldo Naouri


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3/ Définition de l'inceste par Aldo Naouri dans De l'inceste

Un inceste sans passage à l'acte : la relation mère-enfant
par Aldo Naouri
Page 109

J'ai relevé que dans son sens courant actuel, le mot « inceste » dérive du latin incestum qui veut dire strictement « sacrilège ». Incestum dérive lui même de incestus qui signifie « impur, souillé ». Lequel incestus est forgé sur le in privatif et cestus déformation de castus qui signifie « chaste, pur ». Si bien que incestus aurait aussi le sens de « non chaste ». On imagine volontiers ce que cela a eu à voir avec le cortège d'interdits faits aux prêtres et aux vestales.
Il s'avère cependant que le même castus
s'est rapidement et curieusement confondu dans l'évolution de la langue avec cas sus qui signifie « vide, exempt de », jusqu'à le supplanter comme supin du verbe careo, « je manque ».
Il n'y aurait donc aucun abus à traduire incestus par « à qui rien ne manque » et rapprocher ce sens du désir de toute mère que son enfant ne « manque de rien ».

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Autres billets sur le livre De l'inceste par Françoise Héritier, Boris Cyrulnik et Aldo Naouri, Domnique Vrignaud & Margarita Xanthalou
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