« Si un individu s’expose avec sincérité, tout le monde, plus ou moins, se trouve mis en jeu. Impossible de faire la lumière sur sa vie sans éclairer, ici ou là, celles des autres »
Simone de Beauvoir – La force de l’âge
« L’information est le seul bien qu’on puisse donner à quelqu’un sans s'en déposséder. »
Thomas Jefferson,
l’un des rédacteurs de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis,

De l'esprit des lois (1748)

Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.
Charles de Secondat, baron de Montesquieu

20 juillet 2011

Existe-t-il des caractéristiques cliniques et psychopathologiques des adultes auteurs d’agressions sexuelles intra-familiales ? – Dr. Darves-Bornoz

10 décembre 2001
Dr. Jean-Michel Darves-Bornoz
Docteur ès Sciences, hdr, Psychiatre des hôpitaux à Tours, Clinique Psychiatrique Universitaire (CHU) & EA 3248
Psychobiologie des émotions (Université François-Rabelais)

La question qui est posée ici n’a suscité que peu de recherches. En outre, l’absence d’utilisation des méthodologies modernes de recherche clinique et épidémiologique jette le doute sur la validité des découvertes.
Ce manque préoccupant est en soi un élément scientifique à verser au débat. En effet, problème de santé majeur, l’abus sexuel d’enfants ne peut trouver de réponse dans la seule répression mais dans une approche préventive diversifiée où le débat de société suivi de ses décisions éducatives et la théorisation psychiatrique accompagnée de ses prescriptions psychiques sont décisifs.

Ce texte trouve la justification de sa démarche dans l’opinion que les auteurs d’agression sexuelle intra-familiale ne forment pas un groupe clinique spécifique, et que pris dans leur ensemble, les traumatismes interindividuels – émotionnels et physiques aussi bien que sexuels – apparaissent comme un facteur de risque de délinquance sexuelle surtout chez les hommes.
Dès lors, la référence au champ du trauma sert la prévention en ce domaine, en particulier pour saisir au moment opportun chez les victimes la genèse d’identifications aliénantes, en particulier d’identifications à l’agresseur.

Histoire
Le problème de santé posé par les violences sexuelles est connu dans notre pays depuis un siècle et demi. Dès cette époque, il y a marqué la psychiatrie clinique et la psychotraumatologie naissantes. En attestent les anciennes observations d’Hystérie (Briquet 1859), d’Hystérie traumatique (Charcot 1870/1889) et de Dissociation hystérique (Janet 1904) qui ouvrirent la voie à la Neurotica de Freud. Cette théorie freudienne place l’étiologie des hystéries dissociatives dans la survenue d’un traumatisme (Freud & Breuer 1892). Dans un texte qu’il écrivit directement en français, Freud affirme : « expérience de passivité sexuelle avant la puberté : telle est donc l'étiologie spécifique de l'hystérie" (Freud 1896).
Ce savoir s’étendait en cette fin du dix-neuvième siècle bien au-delà des seuls spécialistes de la psychopathologie. En 1860, Tardieu avait publié dans une revue scientifique un article intitulé "Etude médico-légale sur les sévices et mauvais traitements exercés sur des enfants" (Tardieu 1860). Tardieu était professeur de médecine légale à l'Université de Paris, doyen de la Faculté de médecine de Paris et président de l'Académie de médecine. Son livre "Etude médico-légale sur les attentats aux mœurs", diffusé dès 1857, relatait l’expertise de 616 cas dont 339 étaient des viols ou des tentatives de viol sur des enfants de moins de onze ans.
Lors de son séjour à Paris en 1889 et 1890, Freud venu de Vienne pour apprendre de Charcot, suivit aussi des enseignements du successeur de Tardieu, le professeur Brouardel, médecin spécialisé dans le viol d'enfant. Brouardel était connu pour ses conférences à ce propos, et son ouvrage "Les attentats aux mœurs" fut édité dans une collection de cours de médecine légale de la Faculté de Médecine de Paris après sa mort (Brouardel 1909).
L’existence de maltraitances sévères avait donc été portée à la connaissance du corps médical et des élites de la société française. Pourtant, peu à peu, ces avis d’experts furent disqualifiés de manière « passive agressive » dans une mise en cause de la véracité des allégations ou dans la promotion de la notion de « pithiatisme ». S’est instaurée alors pour les rescapés d’abus sexuels une période de déni de leur souffrance qui a duré un siècle et dont nous avons encore du ma
l à sortir en France.

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