MILLOT Ondine
Elle est en larmes, les mots coupés par les sanglots. Sa voix tremble : « Des coups, des coups, des coups. Tous les jours. Des bleus partout. J'étais détruite, je n'osais pas porter plainte. » En face d'elle, Rachida Dati hoche la tête, répète qu'elle est déterminée à se « battre » contre les violences conjugales. Ce mardi 11 septembre, la ministre de la Justice est à Blois, dans les locaux de l'Avec, une association locale d'aide aux victimes. Ce n'est pas une première. Depuis son arrivée place Vendôme, la garde des Sceaux multiplie déclarations et gestes médiatiques montrant qu'elle travaille à « placer la victime au coeur de la justice », comme le lui a « demandé » Nicolas Sarkozy.
L'instrumentalisation des victimes par les politiques, dénoncée par certains (lire interview page suivante) ne date pas d'hier. On peut citer l'expérience du secrétariat d'Etat aux victimes, créé le 30 juin 2004, disparu onze mois plus tard. En octobre 2005, Sarkozy, ministre de l'Intérieur, reprend la main en créant une délégation aux victimes. Il instaure le principe de réunions régulières entre sa personne et les représentants des associations, et instille un message : l'interlocuteur ultime des victimes, leur porte-parole et leur sauveur, c'est lui. L'émotion et la sympathie naturelles ressenties par les Français à l'évocation de leur souffrance, il est là, juste à côté, pour en bénéficier.
On ne compte plus, depuis, les déclarations démagogues – « Les droits de l'homme, pour moi, sont avant tout les droits de la victime » – ni les nombreux projets de loi répressifs, annoncés au nom des victimes. Parmi les plus récents : organiser des procès pour les irresponsables pénaux (assassinat des infirmières de Pau), créer des hôpitaux-prisons pour délinquants sexuels dangereux en fin de peine (affaire Evrard). Dès la campagne présidentielle, en avril 2007, le candidat Sarkozy annonçait la méthode en déclarant : « La maman de Ghofrane m'a demandé, si j'étais élu, de faire voter une loi sur les multirécidivistes. » Si c'est demandé par une victime, c'est forcément légitime.
Le dernier projet en date, en cours d'élaboration au ministère de la Justice, concerne la création d'un « juge délégué aux victimes ». François Guéant, fils du secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, et conseiller de la ministre pour le droit des victimes, est chargé de plancher dessus. « L'idée est de créer un référent pour aider les victimes dans toutes les difficultés de la procédure judiciaire, explique-t-il. Par exemple, faciliter le recouvrement des indemnités. Mais aussi avertir la victime en cas de libération conditionnelle. »
« Intermédiaire ». Les juges d'application des peines ont déjà l'habitude de prendre en compte la situation de la victime, et notamment la question de la proximité géographique avec le condamné, en cas de libération conditionnelle. Le dispositif, prévu par le code de procédure pénale, ne semble pas suffire à la chancellerie.
« Le juge délégué aux victimes permettrait d'informer les personnes sur leur procès et les suites de leur procès, et de mieux faire respecter leurs droits, a déclaré la ministre de la Justice lors de sa visite à Blois. Je pense aux femmes victimes de violences. Souvent, elles renoncent aux indemnités car elles ont tellement peur de leur agresseur qu'elles ne veulent pas qu'il connaisse leur adresse. Le juge délégué aux victimes servirait là d'intermédiaire. »
Mais les victimes, sans cesse invoquées, que pensent-elles de tout cela ? Certaines associations sont sceptiques, comme le Comité contre l'esclavage moderne, qui pense que « ce n'est pas à coup de lois répressives qu'on aide les victimes, mais plutôt en prenant en compte leurs besoins : pour les victimes de traite, des centres d'hébergement d'urgence, la possibilité d'obtenir des autorisations de travail et de séjour ».
« Moyens ». Pour Françoise Rudetzki, la présidente de SOS Attentats, « le procès n'est pas fait pour les victimes, mais pour juger l'auteur d'un crime ou délit. Les juges ne peuvent pas tout pour nous. Ce n'est pas à eux, notamment, de s'occuper de la réinsertion, or c'est là qu'on manque cruellement de moyens. »
Elle est en larmes, les mots coupés par les sanglots. Sa voix tremble : « Des coups, des coups, des coups. Tous les jours. Des bleus partout. J'étais détruite, je n'osais pas porter plainte. » En face d'elle, Rachida Dati hoche la tête, répète qu'elle est déterminée à se « battre » contre les violences conjugales. Ce mardi 11 septembre, la ministre de la Justice est à Blois, dans les locaux de l'Avec, une association locale d'aide aux victimes. Ce n'est pas une première. Depuis son arrivée place Vendôme, la garde des Sceaux multiplie déclarations et gestes médiatiques montrant qu'elle travaille à « placer la victime au coeur de la justice », comme le lui a « demandé » Nicolas Sarkozy.
L'instrumentalisation des victimes par les politiques, dénoncée par certains (lire interview page suivante) ne date pas d'hier. On peut citer l'expérience du secrétariat d'Etat aux victimes, créé le 30 juin 2004, disparu onze mois plus tard. En octobre 2005, Sarkozy, ministre de l'Intérieur, reprend la main en créant une délégation aux victimes. Il instaure le principe de réunions régulières entre sa personne et les représentants des associations, et instille un message : l'interlocuteur ultime des victimes, leur porte-parole et leur sauveur, c'est lui. L'émotion et la sympathie naturelles ressenties par les Français à l'évocation de leur souffrance, il est là, juste à côté, pour en bénéficier.
On ne compte plus, depuis, les déclarations démagogues – « Les droits de l'homme, pour moi, sont avant tout les droits de la victime » – ni les nombreux projets de loi répressifs, annoncés au nom des victimes. Parmi les plus récents : organiser des procès pour les irresponsables pénaux (assassinat des infirmières de Pau), créer des hôpitaux-prisons pour délinquants sexuels dangereux en fin de peine (affaire Evrard). Dès la campagne présidentielle, en avril 2007, le candidat Sarkozy annonçait la méthode en déclarant : « La maman de Ghofrane m'a demandé, si j'étais élu, de faire voter une loi sur les multirécidivistes. » Si c'est demandé par une victime, c'est forcément légitime.
Le dernier projet en date, en cours d'élaboration au ministère de la Justice, concerne la création d'un « juge délégué aux victimes ». François Guéant, fils du secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, et conseiller de la ministre pour le droit des victimes, est chargé de plancher dessus. « L'idée est de créer un référent pour aider les victimes dans toutes les difficultés de la procédure judiciaire, explique-t-il. Par exemple, faciliter le recouvrement des indemnités. Mais aussi avertir la victime en cas de libération conditionnelle. »
« Intermédiaire ». Les juges d'application des peines ont déjà l'habitude de prendre en compte la situation de la victime, et notamment la question de la proximité géographique avec le condamné, en cas de libération conditionnelle. Le dispositif, prévu par le code de procédure pénale, ne semble pas suffire à la chancellerie.
« Le juge délégué aux victimes permettrait d'informer les personnes sur leur procès et les suites de leur procès, et de mieux faire respecter leurs droits, a déclaré la ministre de la Justice lors de sa visite à Blois. Je pense aux femmes victimes de violences. Souvent, elles renoncent aux indemnités car elles ont tellement peur de leur agresseur qu'elles ne veulent pas qu'il connaisse leur adresse. Le juge délégué aux victimes servirait là d'intermédiaire. »
Mais les victimes, sans cesse invoquées, que pensent-elles de tout cela ? Certaines associations sont sceptiques, comme le Comité contre l'esclavage moderne, qui pense que « ce n'est pas à coup de lois répressives qu'on aide les victimes, mais plutôt en prenant en compte leurs besoins : pour les victimes de traite, des centres d'hébergement d'urgence, la possibilité d'obtenir des autorisations de travail et de séjour ».
« Moyens ». Pour Françoise Rudetzki, la présidente de SOS Attentats, « le procès n'est pas fait pour les victimes, mais pour juger l'auteur d'un crime ou délit. Les juges ne peuvent pas tout pour nous. Ce n'est pas à eux, notamment, de s'occuper de la réinsertion, or c'est là qu'on manque cruellement de moyens. »
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