« Si un individu s’expose avec sincérité, tout le monde, plus ou moins, se trouve mis en jeu. Impossible de faire la lumière sur sa vie sans éclairer, ici ou là, celles des autres »
Simone de Beauvoir – La force de l’âge
« L’information est le seul bien qu’on puisse donner à quelqu’un sans s'en déposséder. »
Thomas Jefferson,
l’un des rédacteurs de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis,

De l'esprit des lois (1748)

Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.
Charles de Secondat, baron de Montesquieu

27 mars 1989

°°°/ "Une émission de salubrité publique" par François de Closets – 29 mars 1989

Lundi 27 mars,
le magazine « Médiations », sur TF 1,
sera consacré aux abus sexuels sur les enfants.
Son présentateur s'en explique.

Le Nouvel Observateur. – N'avez-vous pas peur d'aborder à une heure de grande écoute un sujet aussi scabreux ?

François de Closets. – Effectivement, il ne s'agit pas d'une émission pour les enfants de 8 ans. Mais nous ne passons pas à une heure d'écoute familiale, puisque nous prenons l'antenne entre 22h15 et 22h30. Pour un tel sujet, cela me parait une bonne chose. Le thème est clairement annoncé. Si les parents ne sont pas capables d'éloigner les enfants de la télévision à 22h30, alors il existe un vrai problème dans la famille.

N.O. - Certains vont vous accuser de faire la course à l'Audimat en flattant les bas instincts ?

F. de Closets. – Nous craignons plutôt un effet de répulsion. Je le regretterais ; car il faut que de nombreux Français regardent de telles émissions. Ce n'est pas un hasard si le secrétariat d'État chargé de la Famille a lancé une grande campagne d'information sur ce sujet.

En faisant cette enquête, nous avons relevé que les abus sexuels, et notamment l'inceste, sont beaucoup plus fréquents que nous ne l'imaginions : et qu'ils se produisent dans tous les milieux. Et aussi qu'ils sont très rarement découverts, parce que la société, c'est-à-dire les voisins, les gendarmes, les juges, tout le monde s'efforce de ne pas entendre l'enfant maltraité. D'instinct, on tente d'étouffer cette parole porteuse de scandale social. Vous ne pouvez pas imaginer l'état de détresse d'un enfant face à cette indifférence générale. C'est pourquoi il faut en parler ; c'est une œuvre de salubrité publique. Nous devons tous nous mobiliser ; presse, pouvoirs publics, école. Je vous assure que, maintenant que j'ai découvert ces choses, je ferais cette émission même si elle ne devait réussir que cinq points d'Audimat.

N.O. – Est-ce que vous ne craignez pas que le fait d'en parler incite des maniaques à passer à l'acte ?

F. de Closets. – On peut toujours le craindre. Mais je suis convaincu qu'il y aura bien davantage de gens tentés par l'acte et qui seront inhibés, bien plus de mères qui seront attentives. Le pire, c'est de déculpabiliser la sexualité sans culpabiliser l'inceste et la pédophilie, comme on a tendance à le faire.

N.O. – Ne risquez-vous pas de troubler et de traumatiser des enfants, d'abîmer l'image de leurs parents ?

F. de. Closets. – D'abord, je le répète, cette émission n'est pas faite pour les jeunes enfants. Ils relèvent d'une autre forme d'information, qui devrait être donnée à l'école. On peut parfaitement faire ces mises en garde sans provoquer les troubles que vous dites. Mais on n'en est encore qu'aux toutes premières expériences en France. Cette prévention, c'est comme la vaccination. Elle peut provoquer une réaction légère et salutaire, mais elle arme l'enfant contre le pire.

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