Pour l'enfant, un silence difficile à rompre p 80-81
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Bien sûr, il y a l'école, et il est tout à fait caractéristique que certains enfants parlent à l'école. Mais, même si l'école est là physiquement, même si elle fait partie de la vie quotidienne de l'enfant, elle n'est pas vécue comme appartenant à un monde où les normes, les lois qui régissent la famille seraient différentes. Il est donc difficile à l'enfant d'imaginer que parler au sein de ce monde pourrait le délivrer. La difficulté, pour un enfant ayant l'âge de raison, de raconter ce qui se passe chez lui, c'est qu'il n'est pas capable de penser à un autre lieu que sa famille où des choses, pressenties comme abusives, anormales, puissent se dire de manière que quelqu'un s'en saisisse et intervienne.
L'enfant ne peut pas penser que l'instituteur, le médecin ou le juge sont des indicateurs de repères sociaux qui le concernent. L'adulte tiers, celui qui n'est ni papa ni maman, n'existe pas avec assez d'intensité dans le psychisme de l'enfant. La comparaison avec un pays totalitaire où règne un tyran arbitraire et égocentrique est parlante : celui qui y vit ne peut pas penser qu'il y a un salut en dehors, qu'il a un moyen d'échapper à la tyrannie. Le monde mental que constitue la famille évoque à une petite échelle la situation d'un citoyen dans un pays totalitaire. Comme lui, l'enfant se sent prisonnier, il est enfermé dans un système clos.
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La peur confuse de la réaction de l'autre se fonde dans une crainte plus générale, la crainte de l'hostilité, de l'agressivité que pourrait provoquer le fait de parler - de l'agression sexuelle bien sûr - mais aussi simplement d'exprimer un sentiment, une opinion. Il faut bien se souvenir que ces peurs se situent dans un monde où règnent totalitarisme et arbitraire. Pour l'enfant, la nature des gestes incestueux se clarifie à mesure qu'il grandit, mais l'emprise du père reste unique, totale : « C'est le seul qui pouvait me faire quelque chose. »
Avec notre savoir, nous pouvons penser qu'un enfant qui parle est sauvé, mais lui est à mille lieues de penser qu'un copain, la maîtresse, le docteur, la mère d'une copine, en bref que des gens extérieurs au système familial, puissent le libérer. Il n'a pas une perception exacte de la société, et pense in fine que son aveu, son témoignage viendront à la connaissance de son père qui se vengera.
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Voir aussi les billets concernant le livre de Roland Coutanceau :
1/ Vivre après l'inceste : Haïr ou pardonner
2/ Peut-on pardonner ?
4/ Désordres relationnels et sexuels
5/ Le père incestueux
*/ L'enfant investi d'une sorte de mission
6/ Les milieux sociaux et culturels
7/ Quelques conséquences sur les survivantes
8/ Le dévoilement
9/ Trois profils des pères incestueux
10/ Les mères
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