Rencontre avec l’écrivain gabonais à propos de son dernier roman :  « Opumbi »Le nouveau roman de l’écrivain gabonais Jean Divassa Nyama, Opumbi, vient de paraître aux édition NDZÉ. Il traite du sujet délicat de l’inceste. L’auteur est présent au 30ème Salon du Livre de Paris, qui se tient du 26 au 31 mars 2010. Il nous accordé une interview.
Jean Divassa Nyama est né le 1er juin 1962 dans le sud du Gabon. Il est issu de l’ethnie Punu. Professeur d’anglais de formation, il est aussi journaliste et dirige actuellement le magazine littéraire L’Air du Temps. Il vit actuellement à Libreville.
Auteur d’une trilogie intitulée La calebasse,  il est lauréat du prix littéraire de l’Afrique Noire 2006. Son dernier  ouvrage Opumbi, traite du sujet délicat de l’inceste  avec intelligence et subtilité. Le roman tire son nom d’une cérémonie  visant à séparer le couple incestueux. Dundabe, le personnage principal,  tombe sous le charme de sa fille Mitsundu. Une relation incestueuse en  naîtra, mais la mère Muvondu fera tout pour briser l’union.
La  cosmogonie gabonaise raconte qu’au départ il y avait un homme avec sa  famille. Il a demandé à son fils de prendre pour femme sa sœur (car  qu’il n’y avait personne d’autre) mais le frère ne savait pas comment se  comporter avec sa sœur et la maltraitait, car il ne la considérait pas  comme quelqu’un d’extérieur et il pouvait faire ce qu’il voulait avec  elle.
Les sages se sont alors réunis et ont dit à l’homme qu’il avait  fait une erreur. Les incestueux ont été séparés, et voilà que tout  commence. Dans mon ouvrage, j’ai choisi de parler de ce sujet parce  l’actualité au Gabon revient à chaque fois sur le problème de l’inceste.
Muvondu est une femme indépendante financièrement, elle a eu accès à la  culture, elle va donc se révolter (ce que d’autres femmes n’osent pas  faire par honte) en faisant appel à la justice qui sera inefficace,  c’est pour cela qu’elle se tournera vers la tradition. Egalement, si je  parle de l’inceste, c’est que dans un livre, on doit faire en sorte de  participer au développement de la société.
Afrik.com : Votre ouvrage, Opumbi, a pour sujet central l’inceste. Pourquoi avoir  choisi de traiter ce sujet ? Afrik.com : Vous ne vous étiez pas  vraiment intéressés aux sujets touchant à la sexualité. Pourquoi  maintenant ? Afrik.com : Dans votre ouvrage, la  cérémonie Opumbi est une alternative à la justice classique. Et c’est  elle qui parvient à séparer les incestueux, mais en même temps, le bébé  issu de l’inceste et le père mourront. Une leçon derrière cela ? Afrik.com : La cérémonie est-elle  encore pratiquée en Afrique ? Afrik.com : Vous mettez un extrait  de l’Exil et le royaume de Camus en dédicace ?  pourquoi ? Vous citez également Aragon. Afrik.com : Dans votre ouvrage, la  femme et ses attraits est souvent metaphorisée par le végétal, par  exemple : une fleur de bananier, hibiscus, le serpent tournant autour du  bananier aux fruits murs, etc.. Une tradition littéraire gabonaise ? Afrik.com : Vous avez dit dans une précédente interview à Afrik.com que vous avez  le souci de témoigner. Afrik.com : Les rêves également  sont très présents. Pourquoi ? Afrik.com : La place de l’Histoire,  les héritages gabonais sont également très prégnants dans votre œuvre,  pour quelles raisons ? ______________
Jean Divassa Nyama : Ce sujet, je l’ai traité parce que  c’est un reflet de la société gabonaise. Dans la cosmogonie gabonaise,  l’inceste est un moyen de réguler la société. Lorsque l’événement se  produit, c’est l’honneur de la lignée qu’il faut sauver en Afrique.  
Jean Divassa Nyama : J’en parlais avant, mais je préfère  habiller les mots pour désigner les choses. C’est aussi ce que je fais  dans ce livre. En fait, c’est pour permettre à tout le monde de lire.  Certaines personnes peuvent être dérangées par des mots trop crus. Bon,  dans le langage parlé je dis les mots, à l’écrit, je préfère suggérer.
Jean Divassa Nyama : Dundabe, le père, meurt car il n’a pas  cru à la cérémonie. Mitsundu, la fille y a cru, alors elle a été  délivrée de la perversité. Le bébé, il meurt parce que les ancêtres ne  voulaient pas qu’il y ait un enfant, un témoignage, un héritage du crime  incestueux. Sinon les gens auraient parlé, se seraient souvenus, et  cela aurait été mauvais pour la lignée.
Jean Divassa Nyama : La cérémonie est encore pratiquée dans  le bassin du Congo, mais c’est dans les villages, pas du tout dans les  grandes villes. Je n’y ai jamais assisté mais on m’a raconté.
Jean Divassa Nyama : C’est ce livre de Camus qui m’a poussé  à écrire ce livre. Le personnage principal, Dundabe, a le choix entre  deux choses : l’exil, et le royaume. Et lui, choisira l’exil.  Je cite également Aragon, qui est un auteur que j’apprécie beaucoup.  C’est Georges Brassens qui me l’a fait découvrir grâce à sa chanson  écrite en son hommage (Il n’y a pas d’amour heureux,  ndlr).
Jean Divassa Nyama : En fait oui, je puise cela dans le  terroir. Comme dit E. Monique, un poète mauricien : tout homme de culture  qui veut accéder à la connaissance  doit pouvoir puiser dans son passé.
Jean Divassa Nyama : Je suis jumeau. Mon frère s’appelle  Ugulu (ce qui signifie entendre, comprendre) et moi, je m’appelle Ulabe  (ce qui veut dire : voir, observer, témoigner). Mon frère n’a pas voulu  venir en Afrique à cause de la misère (il est mort né). Il me demande  des témoignages, mes livres sont des lettres qui lui sont adressées. Je  lui explique la société. Ce livre-là, je l’ai écrit parce que l’inceste,  c’est un aspect de la société.
Jean Divassa Nyama : Au cours d’un conférence à  l’université Omar Bongo, un chercheur avait fait la remarque de la  récurrence des rêves dans les écrits. Je travaille sur la gémellité et  l’on sait qu’il y a une transmission  entre jumeaux à travers les rêves  c’est un véhicule. Cela me permet de communiquer avec mon frère.
Jean Divassa Nyama : L’Histoire, les héritages sont très  importants. En fait, j’ai un concept : « la Poétique du Mbwonda ou la  ritualisation du deuil ». Car en Afrique, on considère que la mort donne  la vie. (c’est pour cela qu’il y a toutes ces cérémonies, comme la  cérémonie du deuil), on parle du mort qui a fait quelque chose, c’est un  héritage qui est transmis et qui permet à celui qui reste d’aller au  delà. On retrouve également cela de manière frappante en Egypte  ancienne. J’accorde d’ailleurs une place importante à l’Egypte antique,  car pour moi, chacun de nous porte une partie de l’Egypte. C’est le  berceau de tout. Jean Divassa Nyama  dédicacera  ses ouvrages dans l’espace Afrique centrale du Salon du  livre de Paris
 Le Site NDZÉ éditions
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