« Si un individu s’expose avec sincérité, tout le monde, plus ou moins, se trouve mis en jeu. Impossible de faire la lumière sur sa vie sans éclairer, ici ou là, celles des autres »
Simone de Beauvoir – La force de l’âge
« L’information est le seul bien qu’on puisse donner à quelqu’un sans s'en déposséder. »
Thomas Jefferson,
l’un des rédacteurs de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis,

De l'esprit des lois (1748)

Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.
Charles de Secondat, baron de Montesquieu

9 décembre 1998

Oncle "G" : le silence de l’enfant et le passé imposé par Tootsie Guéra

Tootsie Guéra Ecrivain, journaliste
Lecture par Sophie Jaussi en ouverture d’un passage du livre en cours d’achèvement « Le Passé imposé » sur le fait de dire.
« Les années passent et un matin on se réveille en pleurant des larmes d’enfance Un jour on ne peut plus. Quelque chose bouillonne, la vérité prend la place du flou, quelque chose se met à la place de nous, nous l’endormie, la morte, quelque chose vit, nous prend la place de nous. J’avais fait un arrêt sur image, un jour l’arrêt en a assez, il a terminé sa programmation, il repart en image, précise, sans faille, comme si on l’avait faite sur mesure. Dès que l’on met l’accent sur une première image, tout arrive, on ouvre des portes, comme dans les anciens calendriers de Noël. Des portillons. Tout se précipite aux portillons. Submergée d’images, de sensations. On ramène du large, dès que l’on pense qu’une image a livré ce qu’elle avait à livrer, dix autres surgissent. Les images reprenaient leur place sans sourciller. Prendre conscience n’est pas un vain mot. Mais il faut gérer, on n’a pas appris à gérer. Tout explose. Le faux que l’on a placé sur le vrai explose. Le vrai ne sait plus où il en est, il s’est trop protégé derrière le faux, il fait bien chaud derrière le faux, c’est si douillet. Le vrai est au grand jour. Froid, nu, insupportable. Notre corps, notre cœur nous crie « menteuse ». Pas menteuse comme le disent les autres, pas menteuse d’inventer une chose monstrueuse, menteuse parce que l’on s’est menti à soi-même. Il y a eu masque, lorsqu’on le retire, il est là depuis si longtemps, on s’arrache la peau, on s’arrache la protection peau. Ce qui s’appelle en esthétique un peeling. On l’a placé si parfaitement, on l’a fait si parfaitement adhérer à l’autre peau, on a fini par oublier qu’il y avait une autre peau. Ce qui apparaît est sanguinolent, la peau protection pleure au grand jour, la menteuse se remet dans sa vérité. On a envie de cacher le vrai, de retrouver le cocon du faux. Nous sommes des déviées, des déviées du départ. « Ceux qui ne connaissent pas leur histoire s’exposent à ce qu’elle recommence » a dit Elie Wiesel. »

Pour me situer : je suis une émigrée de l’enfance. Du silence de l’enfant. Je suis partie de Suisse à vingt ans. Je ne brisais pas le silence, je contournais, je brisais mon origine. J’aime faire mienne une phrase de Colette : « j’appartiens à un pays que j’ai quitté ».
Je n’apporte pas un témoignage. Je ne suis pas une « témoigneuse ». Simplement mon cas est celui que je connais le mieux. De là a pu se faire une réflexion. Plus tard un livre. Avec des mots. Il y a le sujet, et il y a les mots. Eux savent vaincre le silence du sujet.
Un soir de neige, en Suisse. Un anniversaire de ce second mari de ma mère. Soirée en copains, fondue. Nuit et neige. J’ai tant aimé plus tard le film Nuit et brouillard. Un inceste de deuxième type. Je disais « mon papa » en parlant de lui dans mes cahiers d’écolière. Une nuit sans paroles. Pas de phrases telles que : « Ne dis rien sinon… » Un film muet. C’était l’heure où les enfants dorment. La nuit la plus silencieuse de ma vie. Son silence, puis le mien. Pas de viol. Viol moral c’est tout. Il y avait surtout le pouvoir. L’horrible impression ensuite pendant les quatre années qui ont suivi d’un pouvoir absolu. Entré dans la chambre pour recouvrir mon petit frère, son bébé d’un an et demi, il m’avait découverte en passant. Jeu ? Il se livrait à des gestes sans nom particulier sur un corps de petite fille de onze ans et trois mois. Attouchements sexuels dit-on plus tard. Vague, flou, pour cette nuit-là. Joujou sexuel, sex toy. Nous avons un sexe avant de le savoir. Des années plus tard, j’ai compris, il se masturbait de sa main libre. On se trouve alors face à soi. Peut-être pour la première fois de sa vie. Interrogation et silence. Les enfants tués disparaissent de la vie. On disparaît de la vie aussi, mais personne ne s’en aperçoit.
Le silence de l’enfant est peut-être le plus grand malentendu entre l’enfant et l’adulte. « On n’a rien vu » disent les adultes qui ont été proches d’un drame. « Parce qu’elle n’a rien dit, pourquoi n’a-t-elle pas dit ? » L’adulte ne serait pas fait pour voir, pour observer, où est son don d’observation ? Et en plus les adultes ont oublié de faire des mots pour ce sujet-là. Comment parler sans mots ? Inventer des mots ? C’est à l’enfant de gérer, et non à l’adulte. Il tourne le dos aux mots non dits. Lorsque les mots ne sont pas dits, les actes seuls existent. Ils prennent toute leur puissance sans le secours des mots. Ils se cloîtrent sur eux-mêmes.
Les adultes ont des ornières « il fallait le dire avant ». Avant quoi ? Qu’est-ce que cela veut dire « dire avant » pour un enfant, avant que cela ne se produise ? Il y a cette faille : on voit un enfant abusé comme un enfant non abusé. On pense que la respiration est la même, que le pouls bat de la même façon, l’enfant peut être en apnée, donc ne peut même pas pleurer. Après on dit il l’a violée, après, lorsque les années ont passé, elles disent il m’a violée. Il y a eu abus, il y a eu attouchements, mon beau-père m’a ennuyée la nuit. Mais sur le moment, connaissaient-elles, connaît-on le mot violer, le mot attouchements, abus ? On ne dit pas : « il a abusé de moi » ce que tout le monde comprendrait. Mais on ne sait pas dire cela. Quoi ? Il m’a caressée ? Non, une caresse, sur la joue, sur la main, est un geste doux, rassurant. Là, un geste doux ? Un geste rassurant ? Même il m’a touchée. Non, toucher ne se centralise pas sur un endroit du corps, ou deux endroits si une poitrine naissante a trouvé sa place elle aussi sous cette main d’homme. Toucher a des sens plus larges, moins précis. On n’a pas fait des mots pour dire. Pourquoi, et comment dire, et avec quels mots, pourquoi dire si c’est pour ne rien dire. Le manque de mots s’appelle silence.
On sombre dans un autre monde. On se blottit dans l’incertitude. C’est encore ce qu’il y a de plus rassurant. On a dû se tromper en ayant peur, en ayant mal. Il vaut mieux se taire alors. C’est de notre faute. Ce qui se comprend mal s’énonce mal. Et si l’adulte avait raison ? Et si l’on était ridicule de trouver cela anormal ? L’enfant a si peur du ridicule. J’avais mal interprété la vie. La personne à qui nous parlerions pourrait en rire. Il y a eu d’autres choses dans tous les jalonnements si particuliers, et normaux. Un jour on nous a mis dans une poussette et non plus dans un landau, puis on nous a mis sur nos jambes et il fallait s’y tenir. Un jour on nous a donné le biberon et non plus le sein, un jour on nous a donné à manger avec une fourchette et non plus avec une cuillère. Est-ce que ce n’était pas aussi incongru ? Mais c’était fait en principe par quelqu’un que nous aimions, du moins par un adulte, l’enfant suit l’adulte, la confiance guide. Un jour on nous a fait des piqûres, des vaccins, chez un médecin, était-ce anormal ? Un jour la mère, ou le père, ou le beau-père, ou une autre personne de la famille, nous a conduit chez le dentiste. C’était désagréable, mais normal, apparemment, et un adulte nous guidait. J’avais fini par penser, en réfléchissant ensuite, en tournant les choses dans tous les sens dans la première nuit d’insomnie de ma vie, que c’était normal, comme aller chez dentiste, que cela se faisait à toutes les petites filles. Il y avait peut-être cela dans cette progression, et on ne le savait pas. Ou c’était une punition, j’avais laissé traîner mes bottes de neige, je n’avais pas fermé la porte d’entrée en bas. Il semble bien y avoir chez l’enfant la notion de mériter, en bon, en mauvais. Mériter une récompense, mériter une punition. Puis j’ai pensé qu’il y avait eu un pari. Peut-être d’ailleurs qu’un des autres hommes présents, père d’une petite fille de mon âge, lui avait fait la même chose. Mauvaise piste, la petite fille ne dormait pas chez son père cette nuit-là, ses parents étaient divorcés, elle vivait chez sa mère.
J’ai espéré le matin que l’on me parlerait, à la maison. Un silence serait rompu, pas par moi, par les adultes. Quelqu’un m’expliquerait. Peut-être même le beau-père en question. Rien, leur vie à eux ne semblait pas du tout modifiée. Le vrai silence ne vient qu’après. A partir de là pour moi. J’entrais dans une nouvelle phase de vie. La construction est interrompue. La reconstruction est pour plus tard ou pour jamais. On ne nous a pas donné des éléments de reconstruction dans notre berceau pour palier au silence.
Il y a eu quelques percées de ce silence. J’ai « dit » à la jeune employée de maison, Italienne. Elle avait dix-sept ans. Je me suis demandé quel mot j’utiliserais. J’ai utilisé le mot toucher : « Oncle G m’a touché le derrière. Avant-hier soir. Après la fondue. » On appelait en Suisse à ce moment-là, ou dans ma famille, un devant derrière. On disait : « cache ton derrière ». Elle était affolée, angoissée, blanche, verte. Elle a donné son verdict : « Surtout ne dis rien, tu irais en prison, parce que c’est un Monsieur. » Elle me protégeait. Elle protégeait le silence. Elle le faisait passer dans un niveau plus définitif, officiel.
Puis j’ai parlé à ma grand’mère, mais j’avais déjà démystifié les mots. Je parlais à demi-silence. « Je crois qu’il a soulevé ma chemise de nuit en me recouvrant. » Elle a abaissé la conversation : « Mais non, cela arrive en recouvrant un enfant ». Elle ne pouvait même pas imaginer. Les personnes normales ne peuvent imaginer et se rangent elles aussi au silence.
Troisième trouée, plus tard, à vingt ans cette fois-ci, en partant de « la maison » pour cause d’enfance. Nous étions dans ma chambre, ma mère et moi. J’avais eu « ma » chambre après un an de pensionnat. Ma mère vantait les mérites de son mari – en décidant de partir je m’étais contentée de parler de sa sévérité – il était peut-être un peu sévère, mais j’étais injuste, ingrate, il m’avait élevée. – Élevée vers quoi ? – J’ai dit, enfin. Le silence brisé a été puni, j’ai reçu ma lampe de chevet sur la tête. Puis dans le bureau de son mari, rempli de fusils, devant lui parlant d’appeler « le juge d’instruction », elle a protégé le présent. « Tu t’es trompée, c’était ton grand-père. » Ce dernier n’a pu sortir de son silence, il était mort depuis quatre ans. Je l’ai rejoint, pas dans sa tombe, mais dans son silence obligé.

Au fil des années, des maux d’enfance, ces maux découlant des mots retenus, ont fait leur apparition. Jacques Salomé m’en a parlé, au cours d’une de nos rencontres : « Je le dis par une périphrase : « lorsqu’il y a le silence des mots se réveille la violence des maux. Ce qui se passe est une recrudescence de la violence sur soi, des maladies, des accidents, de la drogue. » J’ai appris ces dernières années, à travers mon métier de journaliste surtout, en parlant d’une médecine différente, à considérer l’être humain comme une chose holistique, nous ne sommes pas faits de pièces détachées. Pour moi le silence avait fait ses dégâts. Personne ne percevait mes appels de détresse, les mots maux de mon corps. Je me suis exprimée de cette façon-là dès lors. Mon corps parlait sans moi. On appelait le médecin au moindre problème, dans cette famille bourgeoise. On me soignait. On soignait les dégâts du silence.
Il y eut avant tout des angines à répétition. Selon Michel Odoul, dans son livre (Dis moi où tu as mal – Le Lexique – Plus de 300 pathologies ou traumatismes décodés, Albin Michel 2003) nous avons « quelque chose en travers de la gorge, que nous avons du mal à avaler, ou que nous avons du mal à exprimer. » « Parfois les deux » précise-t-il. « La faute en revient à l’« autre ». Qu’a-t-il fait ou dit que nous n’arrivons pas à dire ? »
Dans ce même temps j’accumulais les « indigestions ». « Nous ne voulons pas garder dans (sur) l’estomac ce qui ne nous convient pas. » Des aphtes s’installaient. Toujours selon Odoul : « La bouche est ce qui nous permet de nous nourrir et aussi de nous exprimer. » C’est la porte ouverte entre le monde extérieur et intérieur. Les maux de bouche sont autant de signes que ce que l’on nous propose ou que nous disons ne nous satisfait pas. « Tous ces maux peuvent signifier que l’éducation qu’on nous donne, ou que les expériences que nous rencontrons, ne sont pas de notre goût. »
C’était la période aussi où je me tordais les chevilles. On m’envoyait chez le « rebouteux » du village voisin. Il soignait les silences du pied. J’ai été ahurie en lisant que les entorses, dans le langage de Michel Odoul, signifient que nous traversons une phase dans laquelle nos positions, nos critères de vie, la façon dont nous nous plaçons officiellement par rapport à l’autre ne conviennent plus, ne nous satisfont plus et que nous avons de la difficulté à en changer, à bouger. « Ces positions manquent de souplesse et de douceur, de stabilité ou de réalisme. Nous nous obligeons alors à l’arrêt, car nous ne pouvons plus continuer, avancer dans cette direction. »
Un peu plus tard apparut un grand épisode verrues. Sur les mains surtout. J’en avais compté vingt deux. « Cette particularité est loin d’être bénigne car elle donne le niveau précis de ce qui bloque. Les verrues sont en effet des fixations, des indurations de mémoire émotionnelles. Elles apparaissent souvent chez des enfants et des adolescents. » « Elles nous parlent, continue l’auteur, de choses figées en nous, de contrariétés en rapport avec les interdits, des empêchements à faire (mains) ou à être (pieds). Elles signent la sensibilité de la personne et son incapacité à exprimer son ressenti. »
Plus tard encore, j’étais partie de la maison, une salpingite s’est manifestée, de façon aigüe. Voix d’Odoul : « C’est une inflammation aiguë ou chronique d’une trompe utérine. Elle touche donc le lieu du corps féminin qui permet à l’œuf de parvenir dans l’utérus et de nidifier. L’état inflammatoire signe la présence d’émotions négatives rentrées comme des colères, des amertumes ou des rancœurs. Le fait que cette inflammation siège à cet endroit précis nous parle sans doute de tensions, de difficultés à laisser l’enfant trouver sa place en nous, à nous laisser créer, entreprendre. Cette difficulté est due à un état émotionnel non avéré, non accepté et non reconnu. » J’avais bien étouffé, mon cerveau avait apparemment accepté d’oublier, ma trompe gauche non. Le médecin qui m’a opérée m’a dit que je n’aurais pas d’enfants. La trompe droite s’est arrangée pour démentir la sentence. Elle s’est exprimée. Elle a refusé de se taire. Elle a vaincu le silence. J’ai eu deux petites filles.

Ensuite dans mon parcours personnel se sont succédées les étapes, conduisant un jour à « dire ». Une première étape à Neuchâtel, ma ville d’enfance, où je me trouvais pour un repérage. La chambre d’hôtel m’a replacée arrière sans crier gare. Le silence est sorti de son enfermement. Peut-être une propreté blanche en cause, le lit très blanc, gros duvet bien mis en forme, comme cela se faisait le matin à la maison lorsque j’étais petite. A peine la lampe de chevet éteinte je ressentais une impression de peur, insupportable, insurmontable. Elle ne se raccrochait à rien, même pas au rien de la crise d’angoisse, de panique. Je disparaissais derrière elle. Je la reconnaissais sans pouvoir l’identifier immédiatement. Je savais qu’elle avait existé en moi. Tout à coup je ne possédais plus mon statut d’adulte. Le subconscient ne fait pas la part des choses, dit-on, n’a pas la faculté de raisonner.
Puis plusieurs années après, autre étape, un mot de ma mère au téléphone. Bien bien après la chambre et la lampe de chevet. Elle m’a dit : « Tu te laisses tout faire. » Parce que j’avais à ce moment-là quelques problèmes d’argent, seule avec mes enfants. Je ne m’étais pas défendue au moment du divorce, je ne savais pas encore me défendre. Je pensais que dans tout ce qui m’arrivait je devais me débrouiller, moi. D’où, de quel subconscient endormi, prenait-elle ces mots ? Cela a provoqué le déclic définitif, la fin du silence.

Le passé imposé est la résurgence d’un passé imposé, mais est aussi un présent qui en découle, un passé imposé remis à neuf. La suite, l’aboutissement direct du silence. Lorsque, enfin, on parle, on entre dans le vif du sujet. On croit gommer par des mots, des sensations ressurgies. Il faut bien faire le vide. Le vide pour faire du plein, un plein meilleur. Enfin on dit, enfin on brise le silence. Le silence brisé nous brise. Le vide reste très vide. On retombe arrière, on retombe en enfance. Faire un livre. Mon cas. Aucun problème, je serais protégée par l’alchimie de l’écriture, le choix d’un mot, d’une couleur, la musique des mots. Je me protégeais derrière la formule de Barthes : écrivain ou écrivant. Dire pour écrire. L’écrivain dit pour écrire, l’écrivant écrit pour dire. Je serais l’écrivain exclusivement, peu importait le sujet. Mots pour dire. Le reste ne serait que prétexte. Tout était si lointain, avec un tel recul ce serait « il était une fois ». Belle protection, je devenais écrivant, je passais dans la douleur, je passais d’un statut à l’autre. Comme si j’avais changé de costume de scène. L’écrivant sortait de ce cocon pour pleurer à l’air libre.
Puis lorsque l’on relève la tête de ce long travail intérieur, que l’on piétine le silence, commence un autre trajet. La solitude du coureur de fond, la pire des solitudes. On affronte le vrai air libre. Ce n’est même pas être seul c’est être glacé, comme sans vie. C’est se retrouver dans la faiblesse et non plus dans la force, si l’on a les deux en nous. On devient l’épouvantail, selon Boris Cyrulnik. C’est là que l’on nous dit : « Mais tu n’avais rien dit, mais pourquoi ? » On sous-entend parfois : « En fait elle aimait bien ça… » Il faut expliquer la honte, l’angoisse, le silence pas en silence mais en prime de l’horreur.
Puis, en cas de livre, il y a les refus d’éditeurs, de belles lettres : « On aime beaucoup mais » et le mais n’est jamais le même. « Pas de collection correspondant à ce sujet. » Le sujet effraie. Au moment où l’on voudrait se sentir aimée, comprise. Un jeune éditeur me dit au téléphone – il a lu, trouve intéressant – mais : « Ce n’est pas assez sale, trop suisse, trop bien élevé. » On écorche bien les écorchées d’enfance. Et, apothéose, lorsque le livre a été publié, en Belgique où je vivais alors, s’est manifestée la famille au grand complet. Elle est sortie de son silence elle aussi. A crié l’innocence. Le silence est plus dense lorsque tout est « fait maison » parce que tout est plus perturbant que s’il s’agit d’un étranger. Et plus tard les retombées aussi prennent des proportions plus intenses lorsque les produits faits maison ressortent de leur grenier. La rupture du silence est pire. Elle touche des proches et non des êtres abstraits. Les proches ont la faculté de hurler, de réfuter. Le coupable devient la victime. Enfin. On a simplifié dans ma famille : « Elle a inventé tout cela pour se faire du fric. » On nous repousse. On meurt même sans nous. Ma jeune sœur, enfin demi-sœur, est morte. Un cancer à l’âge de vivre. Plus de place pour moi, dans ce silence vaincu, même pas sur les faire-part. Ma mère était morte d’un cancer, bien avant la sortie du livre. Mon père est mort, il ne faisait pas partie de la famille, mais il est mort. Je les ai tous tués, ai-je ajouté à mes listes de culpabilité. Très peu de temps, je commençais à avoir droit à moi-même. La rupture du silence commençait à porter ses fruits. Je commençais à oser dire non au fond de moi. La révolte suivait. Plus encore lorsque ma mère, d’outre-tombe – un testament écrit un an avant sa mort – m’a déshéritée d’une partie de ce qui me revenait, pour le donner à son mari, comme cela peut se faire en Suisse.
Petit à petit j’ai survécu, au plein sens du mot, au-dessus du silence capté. Restait peut-être quelques douleurs intérieures. Des bribes de silence. Encore un noir, une interrogation. J’ai fait un rêve. Une petite fille me tend un bras, elle dit : « Aime moi. » Je suis médusée de tant de simplicité. Ce tout petit bras, si frêle, tellement plein d’amour. Puis je me reconnais, moi à onze ans. Je ne me suis plus aimée ? J’ai abandonné moi aussi cette petite fille ? On se sent tant dans la culpabilité que l’on ne s’aime plus, juste au moment ou plus personne ne nous aime. Elle rompt ce dernier silence enfoui. Je tends un bras moi aussi, je retrouve, l’amour redevient double.
Au fil des mois, après la sortie du livre, j’ai capturé l’autre versant, le contre-silence On m’a dit à tout moment « merci ». Dans des lettres, après des débats. On m’a dit : « grâce à vous j’ai pu parler, enfin. » Enfin je refaisais du plein. Les silences domptés ont cette force-là : se propager doublement. Ne pas être inutiles. Il y a enfin échange. Cela laisse des traces, un sceau, un tampon.
Lui, beau-père de deuxième type, va bien paraît-il. Il a quatre-vingt treize ans. Son silence, ou ses défaillances de mémoire, ne tuent pas. Le manque d’émotion ne tue pas. Le seul silence qui conserve bien.

Nota Bene : La Suisse vient d’obtenir, par un vote national, l’imprescriptibilité dans le monde de l’inceste, de la pédophilie. Le silence va défleurir. La parole sortira des greniers, des caves, des lits d’enfance de nuit muette.
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16 octobre 1998

1/ Amin Zaoui – La soumission

Broché
Paru le : 16/10/1998

Editeur : Rocher/Serpent à plumes
Collection" : fiction domaine francais
ISBN : 2-84261-080-6
EAN : 9782842610807
Nb. de pages : 151 pages
Poids : 200 g
Dimensions : 13cm x 20,6cm x 1,1cm

Feu bleu du ciel de l'Oranais, feu jaune des vents brûlants, feu roux du henné qui colore les cheveux, les mains et les pieds, feu de désirs contenus, réprimés, et pourtant savamment entretenus comme des braises par la poésie des vers coraniques.
En un huis-clos étouffant, celui d'une famille aux filiations incertaines, Amin Zaoui dépeint les ravages et la violence de la soumission ancestrale des femmes à leur mari, des enfants à leurs parents : où le feu des désirs appelle le sang de la mort et annonce les désastres.
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Autres billets sur La soumission d'Amin Zaoui

2/ Khokha avait quitté Khokha
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17 juin 1998

Loi n° 98-468 du 17 juin 1998

Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 « relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs »

L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE
Chapitre Ier
Dispositions modifiant le code pénal
Article 1er
Il est inséré, après l'article 131-36 du code pénal, une sous-section 6 ainsi rédigée :
« Sous-section 6
« Du suivi socio-judiciaire
« Art. 131-36-1. - Dans les cas prévus par la loi, la juridiction de jugement peut ordonner un suivi socio-judiciaire.
« Le suivi socio-judiciaire emporte, pour le condamné, l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines et pendant une durée déterminée par la juridiction de jugement, à des mesures de surveillance et d'assistance destinées à prévenir la récidive. La durée du suivi socio-judiciaire ne peut excéder dix ans en cas de condamnation pour délit ou vingt ans en cas de condamnation pour crime.
« La décision de condamnation fixe également la durée maximum de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas d'inobservation des obligations qui lui sont imposées. Cet emprisonnement ne peut excéder deux ans en cas de condamnation pour délit et cinq ans en cas de condamnation pour crime. Les conditions dans lesquelles le juge de l'application des peines peut ordonner, en tout ou partie, l'exécution de l'emprisonnement sont fixées par le code de procédure pénale.
« Le président de la juridiction, après le prononcé de la décision, avertit le condamné des obligations qui en résultent et des conséquences qu'entraînerait leur inobservation.
« Art. 131-36-2. - Les mesures de surveillance applicables à la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire sont celles prévues à l'article 132-44.
« Le condamné peut aussi être soumis par la décision de condamnation ou par le juge de l'application des peines aux obligations prévues à l'article 132-45. Il peut également être soumis à une ou plusieurs obligations suivantes :
« 1o S'abstenir de paraître en tout lieu ou toute catégorie de lieux spécialement désigné, et notamment les lieux accueillant habituellement des mineurs ;
« 2o S'abstenir de fréquenter ou d'entrer en relation avec certaines personnes ou certaines catégories de personnes, et notamment des mineurs, à l'exception, le cas échéant, de ceux désignés par la juridiction ;
« 3o Ne pas exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.
« Art. 131-36-3. - Les mesures d'assistance auxquelles est soumise la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire ont pour objet de seconder ses efforts en vue de sa réinsertion sociale.
« Art. 131-36-4. - Le suivi socio-judiciaire peut comprendre une injonction de soins.
« Cette injonction peut être prononcée par la juridiction de jugement s'il est établi après une expertise médicale, ordonnée dans les conditions prévues par le code de procédure pénale, que la personne poursuivie est susceptible de faire l'objet d'un traitement. Cette expertise est réalisée par deux experts en cas de poursuites pour meurtre ou assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie. Le président avertit alors le condamné qu'aucun traitement ne pourra être entrepris sans son consentement, mais que, s'il refuse les soins qui lui seront proposés, l'emprisonnement prononcé en application du troisième alinéa de l'article 131-36-1 pourra être mis à exécution.
« Lorsque la juridiction de jugement prononce une injonction de soins et que la personne a été également condamnée à une peine privative de liberté non assortie du sursis, le président informe le condamné qu'il aura la possibilité de commencer un traitement pendant l'exécution de cette peine.
« Art. 131-36-5. - Lorsque le suivi socio-judiciaire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, il s'applique, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la privation de liberté a pris fin.
« Le suivi socio-judiciaire est suspendu par toute détention intervenue au cours de son exécution.
« L'emprisonnement ordonné en raison de l'inobservation des obligations résultant du suivi socio-judiciaire se cumule, sans possibilité de confusion, avec les peines privatives de liberté prononcées pour des infractions commises pendant l'exécution de la mesure.
« Art. 131-36-6. - Le suivi socio-judiciaire ne peut être ordonné en même temps qu'une peine d'emprisonnement assorti, en tout ou partie, du sursis avec mise à l'épreuve.
« Art. 131-36-7. - En matière correctionnelle, le suivi socio-judiciaire peut être ordonné comme peine principale.
« Art. 131-36-8. - Les modalités d'exécution du suivi socio-judiciaire sont fixées par le titre VII bis du livre V du code de procédure pénale. »
Article 2
Après l'article 221-9 du code pénal, il est inséré un article 221-9-1 ainsi rédigé :
« Art. 221-9-1. - Les personnes physiques coupables d'un meurtre ou d'un assassinat précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie encourent également le suivi socio-judiciaire selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-8. »
Article 3
La section 5 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 222-48-1 ainsi rédigé :
« Art. 222-48-1. - Les personnes coupables des infractions définies aux articles 222-23 à 222-32 peuvent également être condamnées à un suivi socio-judiciaire selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-8. »
Article 4
La section 6 du chapitre VII du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 227-31 ainsi rédigé :
« Art. 227-31. - Les personnes coupables des infractions définies aux articles 227-22 à 227-27 peuvent également être condamnées à un suivi socio-judiciaire selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-8. »
Article 5
A l'article 131-10 du code pénal, il est inséré, après les mots : « retrait d'un droit », les mots : « , injonction de soins ou obligation de faire. »
Chapitre II
Dispositions modifiant le code de procédure pénale
Article 6
Le premier alinéa de l'article 721-1 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sauf décision du juge de l'application des peines, prise après avis de la commission de l'application des peines, les personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins, et qui refusent de suivre un traitement pendant leur incarcération, ne sont pas considérées comme manifestant des efforts sérieux de réadaptation sociale. »
Article 7
L'article 721-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf décision du juge de l'application des peines, prise après avis de la commission de l'application des peines, les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux personnes condamnées pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 si, lorsque leur condamnation est devenue définitive, le casier judiciaire faisait mention d'une telle condamnation. »
Article 8
Il est créé, au livre V du code de procédure pénale, un titre VII bis ainsi rédigé :
« TITRE VII bis
« DU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE
« Art. 763-1. - La personne condamnée à un suivi socio-judiciaire selon les modalités prévues par les articles 131-36-1 à 131-36-8 du code pénal est placée sous le contrôle du juge de l'application des peines dans le ressort duquel elle a sa résidence habituelle ou, si elle n'a pas en France de résidence habituelle, du juge de l'application des peines du tribunal dans le ressort duquel a son siège la juridiction qui a statué en première instance. Le juge de l'application des peines peut désigner le comité de probation et d'assistance aux libérés pour veiller au respect des obligations imposées au condamné. Les dispositions de l'article 740 sont applicables.
« Art. 763-2. - La personne condamnée à un suivi socio-judiciaire est tenue de justifier, auprès du juge de l'application des peines, de l'accomplissement des obligations qui lui sont imposées.
« Art. 763-3. - Pendant la durée du suivi socio-judiciaire, le juge de l'application des peines peut, après audition du condamné et avis du procureur de la République, modifier ou compléter les mesures prévues aux articles 131-36-2 et 131-36-3 du code pénal.
« Sa décision est exécutoire par provision. Elle peut être soumise à l'examen du tribunal correctionnel par le condamné ou le procureur de la République dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article 739. Le juge de l'application des peines ne peut, à peine de nullité, siéger au sein du tribunal saisi de l'une de ses décisions.
« Le juge de l'application des peines peut également, s'il est établi après une expertise médicale ordonnée postérieurement à la décision de condamnation que la personne astreinte à un suivi socio-judiciaire est susceptible de faire l'objet d'un traitement, prononcer une injonction de soins. Cette expertise est réalisée par deux experts en cas de condamnation pour meurtre ou assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie. Le juge de l'application des peines avertit le condamné qu'aucun traitement ne pourra être entrepris sans son consentement, mais que, s'il refuse les soins qui lui seront proposés, l'emprisonnement prononcé en application du troisième alinéa de l'article 131-36-1 du code pénal pourra être mis à exécution. Les dispositions de l'alinéa précédent sont alors applicables.
« Art. 763-4. - Lorsque la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins doit exécuter cette mesure à la suite d'une peine privative de liberté, le juge de l'application des peines peut ordonner l'expertise médicale de l'intéressé avant sa libération. Cette expertise est obligatoire si la condamnation a été prononcée plus de deux ans auparavant.
« Le juge de l'application des peines peut en outre, à tout moment du suivi socio-judiciaire et sans préjudice des dispositions de l'article 763-6, ordonner, d'office ou sur réquisitions du procureur de la République, les expertises nécessaires pour l'informer sur l'état médical ou psychologique de la personne condamnée.
« Les expertises prévues par le présent article sont réalisées par un seul expert, sauf décision motivée du juge de l'application des peines.
« Art. 763-5. - En cas d'inobservation des obligations mentionnées aux articles 131-36-2 et 131-36-3 du code pénal ou de l'injonction de soins, le juge de l'application des peines peut, d'office ou sur réquisitions du procureur de la République, ordonner, par décision motivée, la mise à exécution de l'emprisonnement prononcé par la juridiction de jugement en application du troisième alinéa de l'article 131-36-1 du code pénal. L'exécution peut porter sur tout ou partie de cette peine. Cette décision est prise en chambre du conseil, à l'issue d'un débat contradictoire au cours duquel le juge de l'application des peines entend les réquisitions du procureur de la République et les observations du condamné ainsi que celles de son conseil. Cette décision est exécutoire par provision. Elle peut faire l'objet d'un appel dans les dix jours devant la chambre des appels correctionnels, qui statue dans le délai d'un mois.
« En cas d'inobservation des obligations ou de l'injonction de soins, le juge de l'application de peines peut délivrer un mandat d'amener contre le condamné.
« Si celui-ci est en fuite ou réside à l'étranger, il peut délivrer un mandat d'arrêt.
« Les dispositions des articles 122 à 124 et 126 à 134 sont alors applicables, les attributions du juge d'instruction étant exercées par le juge de l'application des peines.
« L'accomplissement de l'emprisonnement pour inobservation des obligations du suivi socio-judiciaire ne dispense pas le condamné de l'exécution du suivi socio-judiciaire. En cas de nouveau manquement par le condamné à ses obligations, le juge de l'application des peines peut de nouveau ordonner la mise à exécution de l'emprisonnement pour une durée qui, cumulée avec la durée de l'emprisonnement exécuté, ne saurait excéder celle fixée par la juridiction de condamnation.
« Art. 763-6. - Toute personne condamnée à un suivi socio-judiciaire peut demander à la juridiction qui a prononcé la condamnation ou, en cas de pluralité de condamnations, à la dernière juridiction qui a statué de la relever de cette mesure. Si la condamnation a été prononcée par une cour d'assises, la juridiction compétente pour statuer sur la demande est la chambre d'accusation dans le ressort de laquelle la cour d'assises a son siège.
« La demande ne peut être portée devant la juridiction compétente qu'à l'issue d'un délai d'un an à compter de la décision de condamnation. En cas de refus opposé à cette première demande, une autre demande ne peut être présentée qu'une année après cette décision de refus. Il en est de même, éventuellement, des demandes ultérieures.
« La demande de relèvement est adressée au juge de l'application des peines, qui ordonne une expertise médicale et la transmet à la juridiction compétente avec les conclusions de l'expert ainsi que son avis motivé.
« L'expertise est réalisée par deux experts en cas de condamnation pour meurtre ou assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie.
« La juridiction statue dans les conditions prévues par les troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 703.
« La juridiction peut décider de relever le condamné d'une partie seulement de ses obligations.
« Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le suivi socio-judiciaire est prononcé comme peine principale.
« Art. 763-7. - Lorsqu'une personne condamnée à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins doit subir une peine privative de liberté, elle exécute cette peine dans un établissement pénitentiaire prévu par le second alinéa de l'article 718 et permettant de lui assurer un suivi médical et psychologique adapté.
« Elle est immédiatement informée par le juge de l'application des peines de la possibilité d'entreprendre un traitement. Si elle ne consent pas à suivre un traitement, cette information est renouvelée au moins une fois tous les six mois.
« En cas de suspension ou de fractionnement de la peine, de placement à l'extérieur sans surveillance ou de mesure de semi-liberté, les obligations résultant du suivi socio-judiciaire sont applicables.
« Art. 763-8. - Lorsque le suivi socio-judiciaire est prononcé par une juridiction spéciale des mineurs, le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la chambre spéciale des mineurs exercent les attributions dévolues par le présent titre au juge de l'application des peines, au tribunal correctionnel et à la chambre des appels correctionnels, jusqu'à la fin de la mesure de suivi socio-judiciaire, sauf si le juge des enfants se dessaisit au profit du juge de l'application des peines.
« Le juge des enfants désigne un service du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse pour veiller au respect des obligations imposées au condamné. Lorsque ce dernier a atteint l'âge de sa majorité, le juge des enfants peut désigner à cette fin le comité de probation et d'assistance aux libérés ; il peut également se dessaisir au profit du juge de l'application des peines.
« Art. 763-9. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application des dispositions du présent titre. »
Chapitre III
Dispositions modifiant le code de la santé publique
Article 9
Il est créé, au livre III du code de la santé publique, un titre IX ainsi rédigé :
« TITRE IX
« DU SUIVI SOCIO-JUDICIAIRE
« Art. L. 355-33. - Pour la mise en oeuvre de l'injonction de soins prévue par l'article 131-36-4 du code pénal, le juge de l'application des peines désigne, sur une liste de psychiatres, ou de médecins ayant suivi une formation appropriée, établie par le procureur de la République, un médecin coordonnateur qui est chargé :
« 1o D'inviter le condamné, au vu des expertises réalisées au cours de la procédure ainsi que, le cas échéant, au cours de l'exécution de la peine privative de liberté, à choisir un médecin traitant. En cas de désaccord persistant sur le choix effectué, le médecin est désigné par le juge de l'application des peines, après avis du médecin coordonnateur ;
« 2o De conseiller le médecin traitant, si celui-ci en fait la demande ;
« 3o De transmettre au juge de l'application des peines ou à l'agent de probation les éléments nécessaires au contrôle de l'injonction de soins ;
« 4o D'informer, en liaison avec le médecin traitant, le condamné dont le suivi socio-judiciaire est arrivé à son terme de la possibilité de poursuivre son traitement en l'absence de tout contrôle de l'autorité judiciaire et de lui indiquer les modalités et la durée qu'il estime nécessaires et raisonnables, à raison notamment de l'évolution des soins en cours.
« Art. L. 355-34. - Les rapports des expertises médicales réalisées pendant l'enquête ou l'instruction ainsi que, le cas échéant, le réquisitoire définitif, l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, l'arrêt de mise en accusation et le jugement ou l'arrêt de condamnation et, s'il y a lieu, toute autre pièce du dossier sont communiqués, à sa demande, au médecin traitant, par l'intermédiaire du médecin coordonnateur. Il en est de même des rapports des expertises ordonnées par le juge de l'application des peines en cours d'exécution, éventuellement, de la peine privative de liberté ou du suivi socio-judiciaire.
« Le médecin traitant délivre des attestations de suivi du traitement à intervalles réguliers, afin de permettre au condamné de justifier auprès du juge de l'application des peines de l'accomplissement de son injonction de soins.
« Art. L. 355-35. - Le médecin traitant est habilité, sans que puissent lui être opposées les dispositions de l'article 226-13 du code pénal, à informer le juge de l'application des peines ou l'agent de probation de l'interruption du traitement. Lorsque le médecin traitant informe le juge ou l'agent de probation, il en avise immédiatement le médecin coordonnateur.
« Le médecin traitant peut également informer de toutes difficultés survenues dans l'exécution du traitement le médecin coordonnateur qui est habilité, dans les mêmes conditions qu'à l'alinéa précédent, à prévenir le juge de l'application des peines ou l'agent de probation.
« Le médecin traitant peut également proposer au juge de l'application des peines d'ordonner une expertise médicale.
« Art. L. 355-36. - L'Etat prend en charge les dépenses afférentes aux interventions des médecins coordonnateurs.
« Art. L. 355-37. - Les modalités d'application du présent titre sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
TITRE II
DISPOSITIONS AYANT POUR OBJET DE PREVENIR ET DE REPRIMER LES INFRACTIONS SEXUELLES, LES ATTEINTES A LA DIGNITE DE LA PERSONNE HUMAINE ET DE PROTEGER LES MINEURS VICTIMES
Chapitre Ier
Dispositions modifiant le code pénal
Article 10
Il est inséré, après l'article 132-16 du code pénal, un article 132-16-1 ainsi rédigé :
« Art. 132-16-1. - Les délits d'agressions sexuelles et d'atteintes sexuelles sont considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction. »
Article 11
A l'article 222-23 du code pénal, les mots : « en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes » sont remplacés par les mots : « en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves ».
Article 12
Il est rétabli, à l'article 222-45 du code pénal, un 3o ainsi rédigé :
« 3o L'interdiction d'exercer, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs. »
Article 13
I. - L'article 222-24 du code pénal est complété par un 8o ainsi rédigé :
« 8o Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications. »
II. - L'article 222-28 du code pénal est complété par un 6o ainsi rédigé :
« 6o Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications. »
III. - Il est inséré, à l'article 225-7 du code pénal, un 10o ainsi rédigé :
« 10o Grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications. »
IV. - Le premier alinéa de l'article 227-22 du code pénal est complété par les mots : « ou lorsque le mineur a été mis en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications ».
V. - Il est inséré, à l'article 227-26 du code pénal, un 5o ainsi rédigé :
« 5o Lorsque le mineur a été mis en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications. »
Article 14
Il est inséré, après l'article 255-16 du code pénal, une section 3 bis ainsi rédigée :
« Section 3 bis
« Du bizutage
« Art. 225-16-1. - Hors les cas de violences, de menaces ou d'atteintes sexuelles, le fait pour une personne d'amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif est puni de six mois d'emprisonnement et de 50 000 F d'amende.
« Art. 225-16-2. - L'infraction définie à l'article 225-16-1 est punie d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende lorsqu'elle est commise sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur.
« Art. 225-16-3. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions commises lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif prévues par les articles 225-16-1 et 225-16-2.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2o Les peines mentionnées aux 4o et 9o de l'article 131-39. »
Article 15
I. - Au 1o de l'article 226-14 du code pénal, les mots : « de sévices ou de privations » sont remplacés par les mots : « de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes sexuelles ».
II. - Dans le premier alinéa de l'article 434-3 du code pénal, les mots : « de mauvais traitements ou privations » sont remplacés par les mots : « de privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles ».
Article 16
I. - Dans les articles 222-12 et 222-13 du code pénal, il est inséré un 11o ainsi rédigé :
« 11o Lorsque les faits sont commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif, ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords d'un tel établissement. »
II. - Il est inséré, au deuxième alinéa des articles 227-18, 227-18-1, 227-19 et 227-21 du code pénal, après les mots : « lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans », les mots : « ou que les faits sont commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords d'un tel établissement ».
III. - La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 227-22 du code pénal est complétée par les mots : « ou que les faits sont commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords d'un tel établissement ».
Article 17
L'article 227-23 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 227-23. - Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende.
« Le fait de diffuser une telle image ou représentation, par quelque moyen que ce soit, de l'importer ou de l'exporter, de la faire importer ou de la faire exporter, est puni des mêmes peines.
« Les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 F d'amende lorsqu'il a été utilisé, pour la diffusion de l'image ou de la représentation du mineur à destination d'un public non déterminé, un réseau de télécommunications.
« Les dispositions du présent article sont également applicables aux images pornographiques d'une personne dont l'aspect physique est celui d'un mineur, sauf s'il est établi que cette personne était âgée de dix-huit ans au jour de la fixation ou de l'enregistrement de son image. »
Article 18
A l'article 227-25 du code pénal, les mots : « deux ans d'emprisonnement et 200 000 F d'amende » sont remplacés par les mots : « cinq ans d'emprisonnement et 500 000 F d'amende ».
Article 19
I. - L'article 222-22 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les agressions sexuelles sont commises à l'étranger contre un mineur par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables. »
II. - Le dernier alinéa de l'article 227-26 du code pénal est supprimé.
III. - Il est inséré, après l'article 227-27 du code pénal, un article 227-27-1 ainsi rédigé :
« Art. 227-27-1. - Dans le cas où les infractions prévues par les articles 227-22, 227-23 ou 227-25 à 227-27 sont commises à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables. »
Article 20
Il est inséré, après l'article 227-28 du code pénal, un article 227-28-1 ainsi rédigé :
« Art. 227-28-1. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions prévues par les articles 227-18 à 227-26.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2o Les peines mentionnées aux 2o, 3o, 4o, 5o, 7o, 8o et 9o de l'article 131-39.
« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
« Dans le cas prévu par le 4o de l'article 227-26, la peine mentionnée au 1o de l'article 131-39 est également encourue. »
Article 21
L'article 227-29 du code pénal est complété par un 5o et un 6o ainsi rédigés :
« 5o La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;
« 6o L'interdiction, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs. »
Article 22
Il est inséré, après l'article 450-3 du code pénal, un article 450-4 ainsi rédigé :
« Art. 450-4. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, de l'infraction prévue par l'article 450-1.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2o Les peines mentionnées à l'article 131-39.
« L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »
Chapitre II
Dispositions modifiant le code de procédure pénale
et concernant la protection des victimes
Article 23
L'article 2-2 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ou, à défaut, celui du juge des tutelles saisi en application de l'article 389-3 du code civil. Cette condition n'est toutefois pas exigée lorsque les faits ont été commis à l'étranger et qu'il est fait application des dispositions du second alinéa de l'article 222-22 et de l'article 227-27-1 du code pénal ».
Article 24
A l'article 2-3 du code de procédure pénale, il est ajouté, après les mots : « de défendre ou d'assister l'enfance martyrisée », les mots : « ou les mineurs victimes d'atteintes sexuelles ».
Article 25
Le dernier alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le délai de prescription de l'action publique des crimes commis contre des mineurs ne commence à courir qu'à partir de la majorité de ces derniers. »
Article 26
Le dernier alinéa de l'article 8 du code de procédure pénale est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le délai de prescription de l'action publique des délits commis contre des mineurs prévus et réprimés par les articles 222-9, 222-11 à 222-15, 222-27 à 222-30, 225-7, 227-22 et 227-25 à 227-27 du code pénal ne commence à courir qu'à partir de la majorité de ces derniers.
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, le délai de prescription est de dix ans lorsque la victime est mineure et qu'il s'agit de l'un des délits prévus aux articles 222-30 et 227-26 du code pénal. »
Article 27
Le premier alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu'il s'agit de faits commis contre un mineur et prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal, l'avis de classement doit être motivé et notifié par écrit. »
Article 28
Il est créé, au livre IV du code de procédure pénale, un titre XIX ainsi rédigé :
« TITRE XIX
« DE LA PROCEDURE APPLICABLE AUX INFRACTIONS DE NATURE SEXUELLE ET DE LA PROTECTION DES MINEURS VICTIMES
« Art. 706-47. - Les personnes poursuivies pour le meurtre ou l'assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ou pour l'une des infractions visées aux articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal doivent être soumises, avant tout jugement sur le fond, à une expertise médicale. L'expert est interrogé sur l'opportunité d'une injonction de soins dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire.
« Cette expertise peut être ordonnée dès le stade de l'enquête par le procureur de la République.
« Cette expertise est communiquée à l'administration pénitentiaire en cas de condamnation à une peine privative de liberté, afin de faciliter le suivi médical et psychologique en détention prévu par l'article 718.
« Art. 706-48. - Les mineurs victimes de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 peuvent faire l'objet d'une expertise médico-psychologique destinée à apprécier la nature et l'importance du préjudice subi et à établir si celui-ci rend nécessaires des traitements ou des soins appropriés.
« Une telle expertise peut être ordonnée dès le stade de l'enquête par le procureur de la République.
« Art. 706-49. - Le procureur de la République ou le juge d'instruction informe sans délai le juge des enfants de l'existence d'une procédure concernant un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 et lui en communique toutes pièces utiles, dès lors qu'une procédure d'assistance éducative a été ouverte à l'égard du mineur victime de cette infraction.
« Art. 706-50. - Le procureur de la République ou le juge d'instruction, saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un mineur, désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection des intérêts de celui-ci n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l'un d'entre eux. L'administrateur ad hoc assure la protection des intérêts du mineur et exerce, s'il y a lieu, au nom de celui-ci les droits reconnus à la partie civile. En cas de constitution de partie civile, le juge fait désigner un avocat d'office pour le mineur s'il n'en a pas déjà été choisi un.
« Les dispositions qui précèdent sont applicables devant la juridiction de jugement.
« Art. 706-51. - L'administrateur ad hoc nommé en application de l'article précédent est désigné par le magistrat compétent, soit parmi les proches de l'enfant, soit sur une liste de personnalités dont les modalités de constitution sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Ce décret précise également les conditions de leur indemnisation.
« Art. 706-52. - Au cours de l'enquête et de l'information, l'audition d'un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 fait, avec son consentement ou, s'il n'est pas en état de le donner, celui de son représentant légal, l'objet d'un enregistrement audiovisuel.
« L'enregistrement prévu à l'alinéa précédent peut être exclusivement sonore si le mineur ou son représentant légal en fait la demande.
« Lorsque le procureur de la République ou le juge d'instruction décide de ne pas procéder à cet enregistrement, cette décision doit être motivée.
« Le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire chargé de l'enquête ou agissant sur commission rogatoire peut requérir toute personne qualifiée pour procéder à cet enregistrement. Les dispositions de l'article 60 sont applicables à cette personne, qui est tenue au secret professionnel dans les conditions de l'article 11.
« Il est par ailleurs établi une copie de l'enregistrement aux fins d'en faciliter la consultation ultérieure au cours de la procédure. Cette copie est versée au dossier. L'enregistrement original est placé sous scellés fermés.
« Sur décision du juge d'instruction, l'enregistrement peut être visionné ou écouté au cours de la procédure. La copie de ce dernier peut toutefois être visionnée ou écoutée par les parties, les avocats ou les experts, en présence du juge d'instruction ou d'un greffier.
« Les huit derniers alinéas de l'article 114 du code de procédure pénale ne sont pas applicables à l'enregistrement. La copie de ce dernier peut toutefois être visionnée par les avocats des parties au palais de justice dans des conditions qui garantissent la confidentialité de cette consultation.
« Le fait, pour toute personne, de diffuser un enregistrement ou une copie réalisée en application du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende.
« A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement et sa copie sont détruits dans le délai d'un mois.
« Art. 706-53. - Au cours de l'enquête ou de l'information, les auditions ou confrontations d'un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 sont réalisées sur décision du procureur de la République ou du juge d'instruction, le cas échéant à la demande du mineur ou de son représentant légal, en présence d'un psychologue ou d'un médecin spécialistes de l'enfance ou d'un membre de la famille du mineur ou de l'administrateur ad hoc désigné en application de l'article 706-50 ou encore d'une personne chargée d'un mandat du juge des enfants.
« Art. 706-54. - Il est créé un fichier national automatisé destiné à centraliser les traces génétiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes condamnées pour l'une des infractions visées à l'article 706-47 en vue de faciliter l'identification et la recherche des auteurs d'infractions sexuelles.
« Ce fichier est placé sous le contrôle d'un magistrat.
« Les modalités d'application du présent article , y compris la durée de conservation des informations enregistrées, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat après avis de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés.
« Les empreintes génétiques des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves et concordants de nature à motiver leur mise en examen pour l'une des infractions visées à l'article 706-47 peuvent faire l'objet, à la demande du juge d'instruction ou du procureur de la République, d'un rapprochement avec les données incluses au fichier. Elles ne peuvent toutefois y être conservées. »
Article 29
Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 722 du code de procédure pénale, après les mots : « réductions de peines », sont insérés les mots : « n'entraînant pas de libération immédiate ».
Article 30
Dans la première phrase du cinquième alinéa de l'article 722 du code de procédure pénale, les mots : « pour le meurtre ou l'assassinat d'un mineur de quinze ans » sont remplacés par les mots : « pour meurtre ou assassinat d'un mineur ».
Article 31
L'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale est complété par un 15o ainsi rédigé :
« 15o Pour les soins consécutifs aux sévices subis par les mineurs victimes d'actes prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal. »
Chapitre III
Dispositions relatives à l'interdiction de mise
à disposition de certains documents aux mineurs
Article 32
La mise à la disposition du public de tout document fixé soit sur support magnétique, soit sur support numérique à lecture optique, soit sur support semi-conducteur, tel que vidéocassette, vidéodisque, jeu électronique, est soumise aux dispositions du présent chapitre.
Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas aux documents, autres que ceux mentionnés à l'article 34, qui constituent la reproduction intégrale d'une oeuvre cinématographique ayant obtenu le visa prévu à l'article 19 du code de l'industrie cinématographique.
Lorsque le document mentionné au premier alinéa présente un danger pour la jeunesse en raison de son caractère pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciales, à l'incitation à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants, l'autorité administrative peut, par arrêté motivé et après avis de la commission mentionnée à l'article 33, interdire :
1o De le proposer, de le donner, de le louer ou de le vendre à des mineurs ;
2o De faire en faveur de ce document de la publicité par quelque moyen que ce soit. Toutefois, la publicité demeure possible dans les lieux dont l'accès est interdit aux mineurs.
En fonction du degré de danger pour la jeunesse que présente le document, l'autorité administrative prononce la première interdiction ou les deux interdictions conjointement.
L'arrêté d'interdiction est publié au Journal officiel de la République française.
Un décret en Conseil d'Etat précise, en tant que de besoin, les catégories de documents qui peuvent faire l'objet d'une interdiction.
Article 33
Il est institué une commission administrative chargée de donner un avis sur les mesures d'interdiction envisagées.
Cette commission comprend, outre son président choisi parmi les membres du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, des représentants de l'administration, des professionnels des secteurs concernés et des personnes chargées de la protection de la jeunesse. La composition et les modalités de fonctionnement de cette commission sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
La commission a également qualité pour signaler à l'autorité administrative les documents mentionnés à l'article précédent qui lui paraissent justifier une interdiction.
Article 34
Les documents mentionnés à l'article 32 reproduisant des oeuvres cinématographiques auxquelles s'appliquent les articles 11 et 12 de la loi de finances pour 1976 (no 75-1278 du 30 décembre 1975) sont soumis de plein droit à l'interdiction prévue au 1o dudit article .
L'autorité administrative peut, en outre, prononcer à l'égard de ces documents, après avis de la commission mentionnée à l'article 33, l'interdiction prévue au 2o de l'article 32.
L'éditeur ou le producteur ou l'importateur ou le distributeur chargé de la diffusion en France du support soumis à l'interdiction de plein droit prévue au premier alinéa peut demander à en être relevé. L'autorité administrative se prononce après avis de la commission mentionnée à l'article 33.
Article 35
Les interdictions prévues aux articles 32 et 34 doivent être mentionnées de façon apparente sur chaque unité de conditionnement des exemplaires édités et diffusés.
Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article , et notamment le délai dans lequel la mesure prévue doit être mise en oeuvre et les sanctions en cas d'inexécution de cette obligation.
Article 36
Le fait de contrevenir aux interdictions prononcées conformément à l'article 32 ou à celles résultant de l'article 34 est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 100 000 F.
Article 37
Le fait, par des changements de titres ou de supports, des artifices de présentation ou de publicité ou par tout autre moyen, d'éluder ou de tenter d'éluder l'application des dispositions de l'article 32 ou de l'article 34 est puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 200 000 F.
Article 38
Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux articles 36 et 37 encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ou était destinée à la commettre ou de la chose qui en est le produit.
Article 39
Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables des infractions mentionnées aux articles 36 et 37 dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal.
Les peines encourues par les personnes morales sont :
- l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
- la confiscation prévue par le 8o de l'article 131-39 du code pénal.
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES ET DE COORDINATION
Article 40
Il est inséré, après l'article 873 du code de procédure pénale, un article 873-1 ainsi rédigé :
« Art. 873-1. - Le premier alinéa de l'article 763-7 est ainsi rédigé :
« "Lorsqu'une personne condamnée à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins doit subir une peine privative de liberté, elle exécute cette peine dans un établissement pénitentiaire permettant de lui assurer un suivi médical et psychologique adapté." »
Article 41
I. - L'article 133-16 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque la personne a été condamnée au suivi socio-judiciaire prévu à l'article 131-36-1 ou à la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, la réhabilitation ne produit ses effets qu'à la fin de la mesure. »
II. - Le dernier alinéa de l'article 736 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition ne s'applique pas au suivi socio-judiciaire prévu à l'article 131-36-1 du code pénal ou à la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs. »
III. - Le dernier alinéa de l'article 746 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition ne s'applique pas à la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs. »
IV. - Le cinquième alinéa (4o) de l'article 775 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ; toutefois, si a été prononcé le suivi socio-judiciaire prévu par l'article 131-36-1 du code pénal ou la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, la décision continue de figurer au bulletin no 2 pendant la durée de la mesure ; ».
V. - Après l'avant-dernier alinéa (3o) de l'article 777 du code de procédure pénale, il est inséré un 4o ainsi rédigé :
« 4o Décisions prononçant le suivi socio-judiciaire prévu par l'article 131-36-1 du code pénal ou la peine d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, pendant la durée de la mesure. »
Article 42
Il est inséré, après l'article 901 du code de procédure pénale, un article 902 ainsi rédigé :
« Art. 902. - Le premier alinéa de l'article 763-7 est ainsi rédigé :
« "Lorsqu'une personne condamnée à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins doit subir une peine privative de liberté, elle exécute cette peine dans un établissement pénitentiaire permettant de lui assurer un suivi médical et psychologique adapté." »
Article 43
L'article 2270-1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le dommage est causé par des tortures et des actes de barbarie, des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur, l'action en responsabilité civile est prescrite par vingt ans. »
Article 44
Il est inséré, après le sixième alinéa (c) de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un alinéa ainsi rédigé :
« Les deux alinéas a et b qui précèdent ne s'appliquent pas lorsque les faits sont prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal et ont été commis contre un mineur. »
Article 45
A l'article 20-4 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, les mots : « et les peines prévues par les articles 131-25 à 131-35 du code pénal » sont remplacés par les mots : « et les peines de jour-amende, d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, d'interdiction d'exercer une fonction publique ou une activité professionnelle ou sociale, d'interdiction de séjour, de fermeture d'établissement, d'exclusion des marchés publics et d'affichage ou de diffusion de la condamnation ».
Article 46
Le 4 de l'article 38 du code des douanes est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les dispositions du présent article s'appliquent également aux objets de toute nature comportant des images ou des représentations d'un mineur à caractère pornographique visées par l'article 227-23 du code pénal. »
Article 47
Lorsqu'un crime ou un délit a été commis à l'intérieur de l'enceinte d'un établissement scolaire ou lorsqu'il a concerné, aux abords immédiats de cet établissement, un élève de celui-ci ou un membre de son personnel, le ministère public avise le chef de l'établissement concerné de la date et de l'objet de l'audience de jugement par lettre recommandée adressée dix jours au moins avant la date de l'audience. Lorsqu'il est fait application des articles 395 à 397-5 du code de procédure pénale, cet avis est adressé dans les meilleurs délais et par tout moyen.
Article 48
Les nouvelles dispositions de l'article 706-52 du code de procédure pénale entreront en vigueur au plus tard le 1er juin 1999.
Article 49
L'article 87-1 du code de procédure pénale est abrogé.
Article 50
Les dispositions des articles 7 et 8 du code de procédure pénale, dans leur rédaction résultant des articles 25 et 26 de la présente loi, sont applicables aux infractions non encore prescrites lors de l'entrée en vigueur de la présente loi.
Article 51
La présente loi est, à l'exception de ses articles 31 et 46, applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte.
La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.
Fait à Paris, le 17 juin 1998.
Jacques Chirac
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
Lionel Jospin
La ministre de l'emploi et de la solidarité,
Martine Aubry
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Elisabeth Guigou
Le ministre de l'intérieur,
Jean-Pierre Chevènement
La ministre de la culture et de la communication,
Catherine Trautmann
Le secrétaire d'Etat à la santé,
Bernard Kouchner
Le secrétaire d'Etat à l'outre-mer,
Jean-Jack Queyranne
(1) Travaux préparatoires : loi no 98-468.
Assemblée nationale :
Projet de loi no 202 ;
Rapport de Mme Frédérique Bredin, au nom de la commission des lois, no 228 ;
Discussion et adoption les 30 septembre et 1er octobre 1997.
Sénat :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, no 11 (1997-1998) ;
Rapport de M. Charles Jolibois, au nom de la commission des lois, no 49 (1997-1998) ;
Avis de M. Jacques Bimbenet, au nom de la commission des affaires sociales, no 51 (1997-1998) ;
Discussion les 28, 29 et 30 octobre 1997 et adoption le 30 octobre 1997.
Assemblée nationale :
Projet de loi, modifié par le Sénat, no 397 ;
Rapport de Mme Frédérique Bredin, au nom de la commission des lois, no 622 ;
Discussion et adoption le 20 janvier 1998.
Sénat :
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, no 234 (1997-1998) ;
Rapport de M. Charles Jolibois, au nom de la commission des lois, no 265 (1997-1998) ;
Discussion et adoption le 31 mars 1998.
Assemblée nationale :
Projet de loi, modifié par le Sénat en deuxième lecture, no 812 ;
Rapport de Mme Frédérique Bredin, au nom de la commission mixte paritaire, no 906 ;
Discussion et adoption (procédure d'examen simplifiée) le 3 juin 1998.
Sénat :
Rapport de M. Charles Jolibois, au nom de la commission mixte paritaire, no 435 (1997-1998) ;
Discussion et adoption le 4 juin 1998.
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