"(...) Ian Soliane dévoile l’inceste abyssal. Le Crayon de papa est le titre enfantin (aux échos scabreux) d’une chronique familiale dont les relents sont nauséabonds : jour après jour, le père, homme respectable, impose ses désirs les plus pervers à son fils, sous les yeux de la mère. (...) Le roman de Ian Soliane est d’une subtilité bouleversante. Par quel prodige réussit-il à nous ensorceler par le récit du quotidien anodin d’une famille ordinaire pour soudain nous confronter à l’horreur. Quelles phrases d’une crudité rudimentaire sont disséminées dans l’abondance des joies simples du foyer, relatées au fil des jours. Le narrateur du Crayon de papa joue avec un talent de conteur époustouflant sur le registre des souvenirs d’enfance, genre La Gloire de mon père, de Marcel Pagnol, ou Le Petit Chose, d’Alphonse Daudet. Peu à peu s’insinue la répulsion. Le lecteur ne s’y attend pas. A-t-il bien lu ? Ce père cultivé, attentif... Est-ce bien le même qui... ? "Nous avons fini de manger. On s’était entiché de Woody Allen. Papa se calait bien dans le fauteuil. Ma place assignée : les genoux. Il jouait avec les cheveux pour passer ensuite au slip. Tous les acteurs de ce film portaient des lunettes. (...) Je n’arrivais pas à comprendre ce que Woody a de si drôle. Il avait un costume terrible, mais je riais légèrement en retard (le zizi tout raide, entre pouce et index). Maman ne disait rien, de trois quarts, penchée sur la laine."
LE MONDE DES LIVRES - 17 septembre 2004